Il était à peine midi et Noé n’avait pas encore bouclé le premier dossier de dédommagement des émeutes de la nuit précédente. Pourtant il avait tout. Photos. PV de la Police et tout le toutim. Bordel. La journée s’annonçait interminable. Quand il avait voulu prendre le bus de peur de voir son Captur brûler, il était resté en plan. Et quand il avait remonté l’avenue de Buxerolles, il avait vu. Il avait vu l’ampleur des dégâts. Tous les commerce de la Place de Bretagne et de l’Europe incendiés. Et, miracle, son agence et le kebab de la place Coïmbra épargnés. Mais ni la Poste ni le commissariat des agents de la ville s’affairaient à poser des plaques de bois pour cacher l’horreur. Une horreur qui se voyait jusque sur les pierres. Comme une trace indélébile de la violence à l’égard de l’ordre établi. Au lieu de penser aux victimes, Noé s’asseya à son bureau en pensant à ceux qui avaient foutu le feu. Il pensa à quel point ils devaient être désespérés et revanchards pour ainsi incendier leur propre maison. Ou a tout le moins leur propre quartier. Oui. Il ne fallait pas espérer grand-chose pour en arriver là. Il ne fallait pas croire, ne serait ce qu’un peu, en son avenir pour en arriver là. Puis le boulot l’avait plongé dans les conséquences. Place de l’Europe cinq commerces étaient assurés par le Crédit Populaire. Le premier, il venait de le clôturer. Il serait couvert sans problème vu sa prime d’assurance. Pour le deuxième, le boucher des Couronneries cela s’avérait déjà plus compliqué. Sa trésorerie retait en suspens et lui seul pouvait le renseigner. Il fallait aussi que Noé sache s’il était couvert par son assurance pour ce genre de sinistre. - Oui allô ? - Bonjour Noé Ouedraougo du Crédit Populaire, je vous contacte car j’aurais besoin d’information concernant l’assurance de votre commerce. - Ce n’est pas mon commerce. - Pardon ? Vous n’êtes pas André Ligeonières ? - Non. Je suis le président de son comité de soutien. - Excusez moi. Pourrais je parler à M. Ligeonnières ? - S’il se réveille. Il est à l’hosto brûlé au deuxième degré sur 50 % de son corps. J’ai bien peur que vous deviez attendre M. le Banquier. Au Re… -Attendez ! Attendez ! Je ne suis que son banquier, je vou... - Ouais, je vois. Envoyez votre facture à contact@andredoitsurvivre.org et on fera le nécessaire. - Très bien. Excusez moi cette question, mais… Qui êtes vous ? - Je suis le propriétaire de la boulangerie à côté. Par chance je suis de la nouvelle école, je ne dors pas au dessus de mon magasin. Pas comme André. - Oh. Je vois. Sachez que vous pouvez me contac…. - Contentez vous d’envoyer votre chèque à l’adresse que je vous ai donné. Je vous assure que nous en ferons bon usage. Et le type avait raccroché. Plutôt énervé comme personnage. Normal quelque part. Sa boulangerie venait de flamber. Et son pote devait être entre la vie et la mort. - Jocelyne ? - Oui monsieur ? - Je m’absente une petite demi heure. Prenez ma ligne. - Très bien monsieur. A tout à l’heure. Et Noé sortit dans le brouhaha des services municipaux qui se dépêchaient de cacher une colère qui ne collait pas avec l’image de ville paisible que voulait donner Poitiers.
L’esprit de famille - 02
L’ANTIDOTE
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