L’ANTIDOTE
Mission Mars
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Depuis 2017
ALC Prods
TROIS MOIS PLUS TARD Le réveil sonna pour Ibrahim. Il mit du temps à savoir et quand il se trouvait. La mission. 06h00. Son tour de garde. Il cocha le dimanche sur son calendrier. Il ne leur restait plus que trois mois avant de voir à nouveau le soleil. Depuis trois mois il avait réussi à trouver sa place. Sa place parmi les non essentiels. C'est ainsi que les essentiels les appelaient. Les non essentiels étaient ceux qui ne savaient pas faire voler, réparer, améliorer un avion et à fortiori un vaisseau spatial. Soit un gros quart de la composition de l’équipage. Ils avaient bien appris pour tenir la place des essentiels lorsque ceux ci devaient vaquer à d'autres occupations. Mais la confiance n'était pas là. Et par deux fois déjà Ibrahim avaient séparé Alain, boucher de formation, capable de soulever un tronc d'arbre tout seul, de Jean, le pilote qui n'avait pas perdu de sa morgue initiale. Les autres essentiels étaient sous sa coupe. Et plusieurs témoignaient de leur malaise dans leur journal de bord, Ibrahim les avaient régulièrement surpris à exprimer devant leur caméra ce que tous commençaient à comprendre. Pour une raison ou une autre, ils passaient à côté de la mission. Quant à lui, il savait quelle partition était la sienne, et bonne ou mauvaise, elle lui avait déjà sauvé la vie une fois, alors pourquoi ne ferait elle pas de lui un pionnier ? Il s'assit sur le bord de sa couchette, brancha l'appareil de mesures des constantes physiologiques, sourit à la caméra placée au dessus puis sauta sans un bruit sur le sol glacé de ce qui leur servait de vaisseau spatial. Il fit le tour de toutes les commandes de recyclage, de l'air, de l'eau et du compost. Il vit une grosse plaque de compost tomber. Tout fonctionnait. Le pain de viande de la veille avait déjà produit ses premiers effets. Il nota tous les relevés comme les essentiels lui avaient appris, signa le registre. Et, comme il avait pris l'habitude de le faire depuis maintenant trois mois, il prépara les rations de petit déjeuner pour tout le monde ainsi qu'il mit un nom sur chaque serviette avec un petit smiley marrant. Il le faisait depuis le premier accident avec le Tyran, comme tout le monde le surnommait. Un Tyran qui avait quand même par deux fois réussit à éviter des débris de satellite à la dérive et une micro astéroïde qui aurait pu les renvoyer de ils étaient partis beaucoup plus tôt. Cela lui valait certainement d'être encore en vie. Ce fumier était un as. Un as des as. Et un vrai salaud. Il serait bien en apesanteur ; la terre avait tellement de mal à le porter... C'était à se demander si ce n'était pas une stratégie. Maintenir tout le monde dans la peur avait l'avantage de trier et de maintenir un niveau de pression constant pour ceux qui supportaient ce traitement. Bien qu'il n'en ait parlé qu'à l'abri de son optocapteur, il avait remarqué que plusieurs semblaient penser la même chose. Dans leur façon de s'adresser à lui. Et aussi à leur célérité en cas de problème. Oui. Après tout, aucun d'eux n'avaient le droit à l'erreur. Et ceux qui comme Ibrahim n'avaient aucune notion de vol habité n'étaient que pour leurs capacités d'adaptation à la vie là bas. C’était si facile. Évident. Tout bascula au moment Ibrahim rajoutait un morceau de chocolat à la ration du Tyran. C'était leur coutume pour celui qui rendait sa garde. Quand vous finissiez votre garde de « nuit », vous aviez droit à un des suppléments de la réserve de confiserie réservés normalement au Noël qu'ils devaient passer ensemble. Oui. Là tout vira à la catastrophe. Sous la forme d'un arrêt d'urgence. De la réactivation des volets. Des portes qui se déverrouillent . D'un rêve de gosse que l'on vient briser. A 6 heures du matin. Un rêve de gosse que l'on vient briser 24 fois. Ou plus exactement 23.
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