Karim surfait sur le net depuis qu’il avait quitté son service. Soit depuis un peu plus deux heures à essayer de comprendre ce que le président déchu d’une nation africaine en crise avait fait pour finir dans son appartement. Jasmine avait fini par s’endormir dans ses bras. Il posa son portable et la déposa en douceur dans son lit. Elle ne broncha même pas. Il regarda l’heure, 22h35. Il passa un œil par la porte de leur chambre et entendit la respiration apaisée de sa femme. Demain, elle se levait à 7h. C’était à Karim de s’occuper de leur fille. La journée s’annonçait sportive. Pédiatre, goûter, promenade, sieste, jeu, repas. Et tout ce qu’il ne pouvait prévoir. Oui. Il ferait mieux d’aller se coucher. Il sortit se poser dans leur jardin. La fraîcheur était arrivée. Bientôt le froid les empêcherait de sortir pour de longs mois. Il constata que le barbecue était tel qu’ils l’avaient laissé après la venue de Diakhité et Jean. Sur les bords de la rue, il nota quelque chose mais préféra ne pas en tenir compte. Il passa la grille du barbecue au jet et la laissa à sécher contre le bidon qu’il avait vidé. Fazaume. Le Nigérion. Un coup d’État. Son appartement. Jean. Tout était clair. Les anciennes fonctions de Jean avait conduit cet homme vers le seul endroit et la seule personne en qui il pouvait avoir confiance. En relisant l’article du Monde qui expliquait la situation dans cette partie de l’Afrique, Karim comprenait que ce n’était que le début. Les hommes de Poutine faisaient le ménage. Jouant sur la rancœur et les formules raccourcis, ils avaient poussé à une haine profonde, alimenté par un passé douloureux, de la république française. Cependant les infrastructures minières étaient toujours propriété des grands groupes industriels français. Karim ne doutait pas que cela ne changerait pas de sitôt. Les concessions, toujours selon l’organe de presse, avaient été attribué à perpétuité. Et la situation était suffisamment instable pour empêcher les nouveaux hommes forts du Niégrion pour changer cela. En surfant un peu plus, Karim nota que Fazaume n’était déjà pas tendre envers la France. Il dénonçait ces fameuses concessions, expliquant qu’elle privait la nation nigérionnaise des ressources dont elle avait besoin pour se développer. Autrement dit la France était déjà responsable de tous les maux. Le fait qu’il vienne en France en catimini montrait à quel point tout cela était de la politique politicienne. Des paroles bien loin de la réalité. La Françafrique ne semblait n’avoir jamais cessé. Bien que Sarko ait dit vouloir la voir disparaître. Bien que le Roi ait prononcé des discours de rupture. La réalité restait inchangée. Karim décida qu’il était temps de rentrer comme le vent se levait, annonçant l’orage. Il ramassa la grille et renversa le demi bidon avant de protéger le salon de jardin et de ramasser quelques uns des détritus autour du barbecue. Il trouva la sauce samouraï et se demanda si Norman Diakhité en savait plus sur tout cela. Cela l’entraîna jusque Ibrahim. Il était étudiant à Sciences Po. Il devait en savoir davantage. L’espace d’un instant il eut envie de l’appeler. Sa fille le rappela à la réalité. Il monta rapidement jusqu’à leur appartement et la prit dans ses bras. Elle bavait et était secoué de sanglots, portant ses mains à sa bouche. Les dents. Elle faisait ses dents. - Donne lui du doliprane. - Tu devrais dormir. - Pour ça, il faut que tu lui donnes son doliprane. - Rendors toi. -Quand tu lui auras donné son doliprane. - Tête de mule. - Toi même. Donne lui son doliprane. Karim tira la porte de leur chambre et sortit Jasmine de son lit pour lui donner une mesure de doliprane et de la recoucher. Il joua quelques minutes avec elle. Par la fenêtre, il entendit clairement le moteur d’un S.U.V. s’éloigner comme les lumières d’un autre s’éteindre au même endroit. Ils n’étaient pas seuls.
La peine capitale - 07
L’ANTIDOTE
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