Quand ils étaient retournés dans le 11ème, pas loin du 18ème, et qu’ils avaient franchi le pas de la porte d’entrée d’appartement de Toussaint Ouedraougo, ils entendirent BFM TV résonner. Sans doute le Président qui tentait d’y voir clair. Au lieu de voir le corps replet du président déchu, ils virent les pieds nus d’Ibrahim et son visage à l’écran. - Salut mon grand. - Salut. - Tu es devenu narcissique au point de te regarder à la télé ? D’ailleurs qu’est ce que tu fais à la TV ? - Demande à ton oncle de te briefer. J’ai des appels à passer.. Ibrahim renfila ses chaussons et fila dans sa chambre jusqu’à ce qu’il ne puisse pas être entendu. Noé était estomaqué. A tel point qu’il ne s’interrogeait pas sur l’absence du Président. Au lieu de cela, il se tourna vers son oncle, des questions pleins les yeux. Et son oncle ne put que baisser le regard. - Je te l’ai dit. Il a beaucoup changé. - A quel point ? - Regardes. Tu comprendras mieux, fils. Toussaint Ouedraougo lui tendit une tablette et appuya sur une recherche préenregistrée. Les titres ne laissaient aucun doute. Ibrahim Ouédraougo était en croisade. En croisade contre les croisés du 20ème siècle. La France particulièrement. Le Sénégal en avait été victime depuis si longtemps. Et maintenant, le pays continuait à être saigné à bas bruit. Tel était le propos de plusieurs étudiants de Sciences Po en tête desquels Ibrahim figurait. - Ca doit être l’adolescence qu’il n’a pas eu. Toussaint avait énoncé cette idée sans y croire ni même regarder Noé. Il savait. Il savait qu’il y avait autre chose. Autre chose de plus profond. Et c’était la haine. La haine en réponse à la cupidité. La haine n’est pas ce sentiment que les religieux désignent comme coupable. Elle est une réaction. Une réaction viscérale à l’identification de ceux à l’origine de nos maux. Telle était la nature de la haine d’Ibrahim. - Il faut que je lui parle. - Et le Président ? - Ne t’inquiètes pas pour ça mon Oncle. Tu peux nous faire couler un thé ? Pour lui et moi ? - Tout de suite. La bouilloire sifflait déjà lorsque Noé frappa à la porte de la chambre d’Ibrahim. Il entendait sans en comprendre la nature une conversation agitée. Face à l’absence de réponse, Noé alla se poster à la fenêtre et regarda le défilé des gens qui sortaient du travail ou s’y rendaient. Dans cet arrondissement le labeur ne connaissait pas d’horaire. - Il a des bonnes notes ? - Il est major de sa promotion. Ils veulent l’envoyer à Strasbourg. - A Strasbourg ? - L’E.N.A. - L’E .N.A. est à Strasbourg ? - Depuis une petite dizaine d’années Noé. - Bon ça me fait un levier. - Ne comptes pas dessus. Ceux qui le soutiennent en sont issus. - En sont issus ? Ils en sont déjà sortis ? - Parles lui. Peut-être que tu arriveras à le faire redescendre. Noé prit les deux tasses fumantes et se débrouilla pour frapper à la porte de la chambre d’Ibrahim une fois de plus. - Entres ! Laisses tomber, je me débrouillerais sans vous. Alors tonton, quoi de neuf ? - Où est le Président ?
La peine capitale - 11
L’ANTIDOTE
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