Noé était arrivé gare Saint Jean sur les coups de midi. La foule allait et venait à la recherche de son prochain train ou de sa destination finale. Noé, lui, n’avait qu’une destination en tête. Et il ne pouvait se permettre de la manquer. Il ajusta son sac à dos chargé de son disque dur et des images qu’il contenait et s’avança vers le tram. La famille Rabotin vivait paisiblement dans les confins de la banlieue ouest. Ce qui lui accordait du temps puisqu’il était du bon côté de la ville. Son smartphone résonna comme il prenait le tram pour Béruges. Un appel masqué. Il préféra l’ignorer. Il avait déjà trop de choses en tête. Trop de choses horribles pour se permettre de recevoir un peu plus la misère du monde. Il finit par descendre à un arrêt situé à quelques 500 mètres de sa destination. Il prit son temps et révisa son discours le temps de parcourir ces quelques mètres. Être franc. Ne pas braquer son interlocutrice. Accepter qu’elle nie. Accepter qu’elle s’épanche. Ne pas faire l’éponge. Oui. Surtout ne pas faire l’éponge. - Madame Rabotin ? - Oh. Noé. Je vous en prie entrez. Je suis heureuse de vous voir. Ainsi vous ne nous avez pas oublié ? - Évidemment. Votre mari m’a porté au pire moment de ma courte vie. Comment pourrais je lui rendre la pareille. Vos enfants sont là ? - Euh. Non. Ils sont à l’école. - Parfait. - Vous m’inquiétez. - Vous n’avez rien à craindre de moi. Je veux juste savoir pourquoi votre époux est mort aussi soudainement. - C’est la fatalité Noé. Il n’y a rien à espérer de prouver le contraire. Je sais que le deuil peut être semé d’embûches mais ne perdez pas de vu que c’est…. La vie. Tout simplement la vie. - J’ai pourtant des interrogations qui subsistent. Et je pense que vous pouvez m’aider. Comment. Comment aborder le sujet ? Comment aborder le sujet sans détruire un peu plus cette femme dont la tenue n’était que de façade ? - Me feriez vous un thé ? - Bien sûr. Créer un climat propice aux révélations. Assurer que l’autre sera le supporter. - Earl Grey ? - Oui avec deux sucres. - Très bien. Sur les murs les photos de leurs enfants à plusieurs âges de leur vie. Et par la fenêtre une vue sur un grand cèdre. - Vous voudrez des spéculoos ? - Pourquoi pas. - Bien. Je suis à vous dans… Et le portable de Noé de sonner encore. Le même numéro qu’il avait ignoré. Après trois sonneries, il se résolut à décrocher. - Oui allô ? - C’est Jean. Jean Favreau. Je sais où vous êtes. Fuyez. Fuyez dès que possible.
La mort de Rabotin - 16
L’ANTIDOTE
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