La maison de Maurice avait apprécié la présence discrète de Stéphane. Sitôt arrivé il avait passé une bonne heure à attendre que son portable vibre ou sonne, plongé dans le noir total. Mais rien n’était venu. Alors il était monté à l’étage - sans oublier de se demander comment Maurice avait réussi sur ses derniers jours- et avait ouvert les volets. Ça sentait si fort la naphtaline qu’il s’était contenté de cela. Bien évidemment l’eau était coupée et l’électricité aussi. Il était sorti jusqu’à l’épicerie du bourg et avait acheté des gâteaux, un réchaud à gaz et du café soluble. Il est retourné jusqu’à la maison sans faire de bruit et avait donné deux tours de clé. Quand il était enfin installé dans la chambre, assis sur le bord du lit, il vit qu’il avait un appel en absence et un message. «  Salut, des nouvelles pour te dire de rester au chaud avec ta crève. Il sont entrés dans la maison du patient 0 il y a deux heures et deux messagères sont en sécurité mais le patient 0 est porté disparu avec sa mitose. On craint le pire. On t’embrasse. » C’était la voix de Karim. A peine avait il effacé le message qu’on frappa à la porte. Les sens aux aguets, Stéphane guettait le moindre son. Il finit par entendre un clé que l’on tourne et une voix familière. - T’es où ? - A l’étage Noé, Montes, c’est plus sûr. A la tête de Noé, Stéphane comprit qu’il s’était passé quelque chose de grave. Très grave. - Qu’est ce qui se passe ? Pourquoi tu fais cette tête ? Karim vient de me dire que les gamines étaient en sécurité et qu’il ne restaient qu’à retrouver Saurier et sa femme ? Noé prit une profonde inspiration, sortit sa vapot’ et tira dessus pendant quelques instants comme pour mieux trouver ses mots. Il posa une main sur l’épaule de Stéphane comme il se posa devant la fenêtre. De là, il vit le soleil commencer sa course crépusculaire. Les oiseaux se taisaient les uns après les autres et plus aucune voiture ne se faisait entendre. Il finit par venir s’asseoir à côté de Stéphane et l’enlacer d’un bras amical sur l’épaule. Puis il se lança. - Ils les ont retrouvés mon pote. Les deux. A Charles de Gaulle. L’arrestation s’est fait en douceur. Il sont en garde à vue pour l’instant. Et les gamines aussi. - Mais je croyais qu’elles étaient en sécurité ? Loin de cet enfoiré et de sa femme ? - Ils ne pouvaient pas, Jean m’a dit qu’il avait un homme à lu… - Oui, Karim l’a rencontré, c’est comme ça qu’ils les ont coincé. Avec un seul appel de ce type. Jean avait vraiment le don de trouver les personnes en qui ils pouvaient avoir une confiance totale. Tournier les a appelé pour leur dire qu’ils étaient traqués et les deux ne se sont doutés de rien. Ils lui avaient dit qu’il partaient pour le Vénézuela dans deux heures. - Cool. - Ouais cool. - Mais ? Noé ressortit sa vapot’ et alla à nouveau se planter devant la fenêtre, plongeant Stéphane dans la pénombre. Merde. Tout n’avait pas dû se passer comme prévu. Et ce devait être pire que ce que Stéphane ne pouvait imaginer. Alors il énonça le pire. - Ils ont eu K. - Non. Karim est tranquille avec Jasmine et Aïsha. - Non. Non c’est impossible. Pas l’ombre parmi les ombres. - Si. Donné par son homme. - Comment ça ? - Saurier va s’en sortir avec un programme de réhabilitation. Sa femme va garder son poste. Et Tournier vient d’être officiellement nommé président de la Cour des Comptes. Jean était puissant. Mais il n’était de toute évidence pas au sommet de la chaîne alimentaire. - Comment ça s’est passé ? - Jean est sorti de l’ombre, voilà ce qui s’est passé, Stef. Il est sorti de l’ombre pour nous. Et il n’y retournera plus.
La mort de Rabotin - 21
L’ANTIDOTE
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