Le silence commençait à se faire pesant. Depuis une heure, Noé et Jean Claude Rabotin essayaient de se parler. Et le moins que l’on puisse dire est que l’échange était laborieux. Noé finit par se lever en soupirant pour se poser devant sa baie vitrée. - Bon sang, Jean Claude, je vous dois la vie, pourquoi voudrais je vous planter vous ou la Banque ? Soupirs de l’autre côté de la ligne, quelques pas également sans que Noé ne puisse en être sûr. - Je suis trop vieux Noé. Trop vieux pour me lancer dans cette croisade. - C’est une fausse excuse. Je vous connais. Vous êtes un entrepreneur. Dans le sang. Vous aimez prendre des risques. Et vous en prendrez toute votre vie. Si vous vous mettez à la pêche ce sera pas sur la berge. Alors arrêtez. Dites moi qui vous protégez Saurier ? - Non, Noé. Je ne protège personne en particulier. Je protège ce qui fait tenir tout ce bordel. - Faut que vous m’expliquiiez parce que là c’est un peu trop vaseux pour moi. Noé entendit Rabotin se rasseoir et s’enfoncer dans son siège. Il l’imaginait sans difficulté prendre un de ses crayons de papiers taillé parfaitement et se piquer la pulpe du pousse gauche avec. Il l’imaginait aussi avec un sourire sur le visage en pensant à lui, Noé. Au fond, ils se ressemblaient. Avec 30 années d’écart. Peut-être Rabotin avait il lui aussi en son temps tenter de faire bouger les lignes. - Ce bordel c’est notre société et ce qui la sous tend. Dans la moindre parcelle de son activité. La loi du marché. La libre concurrence. Le libéralisme. La liberté d’entreprendre. L’égalité des chances. Voilà le bordel que votre petite entreprise menace. - Ma petite entreprise menace ? En quoi ? - En permettant à des gens qui n’ont pas accès à la position de décisionnaire d’y accéder. - Vous me faites peur Jean Claude. - Ce n’est pas moi qui bloque votre projet. Vous le savez. Je n’ai fait qu’accompagner sa fin discrète. Avant qu’elle ne vous pète à la figure. - Vous m’avez perdu. - Je sais Noé. Écoutez j’aimerais avoir plus de temps. Mais je ne l’ai pas je vais devoir vous laisser avec tout cela et vous demander de garder votre calme. Si vous avez besoin d’engueuler quelqu’un appelez moi, je peux vous assurer que c’est le meilleur choix pour vous actuellement. A bientôt Noé. Et il avait raccroché. Noé avait reposé son combiné dans le silence, marchant presque sur la pointe des pieds. Son entreprise menaçait la société. La Société. Bordel. Il y avait quelque chose qui avait lui échapper. Il se retourna vers son ballon puis le reposa et prit son sac de sport. En sortant il précisa à Jocelyne qu’il s’absentait jusqu’à 14 heures. De là, il ne prit même pas la peine de monter en voiture et se dirigea vers le Lycée Aliénor d’Aquitaine, il y avait des terrains, là bas. Une fois son short, son t-shirt et ses chaussures enfilés, il commença à s’échauffer. Il enchaîna quelques paniers puis s’étira un peu. Ça faisait un petit moment qu’il n’avait pas joué. La rouille tombée, il commença les lay up puis les dunks. Et petit à petit sa tête se vidait. C’était comme ces drôles d’écran des films Matrix des lignes de codes pleuvaient. Plus il avançait dans sa session, moins les lignes étaient nombreuses et mieux il se sentait. Lorsqu’il n’en resta plus qu’une il savait ce qu’il devait bûcher. Et remballa ses affaires.
Robin des banques - 32
L’ANTIDOTE
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