Après 48 heures d’agonie, placé sous sédation profonde et continue depuis 4 heures, André Ligeonnières venait de rendre l’âme dans le service des Grands Brûlés de Tours. Une messe allait être célébrée à sa mémoire demain en l’Église Sainte Radegonde. Et Noé y était invité. En tout cas d’après ce mail envoyé par un certain Jean Bousquet, président du comité de soutien à André Ligeonnières. La suite était encore plus intéressante. Bousquet promettait que la police avait déjà baissé les bras, ils prendraient le relais et retrouveraient ceux qui avaient commis l’irréparable. Il jurait même sur Dieu de les punir comme ils se devait. De quoi vous glacer le sang. L’espace d’un instant, Noé se demanda s’il ne devait pas prévenir Jean Favreau. Cela ressemblait à une justice arbitraire. Arbitraire et aveugle. Car qui sait qui étaient les types qui avaient incendié le commerce et son propriétaire ? Personne. C’est le principe des émeutes. Le chaos y règne et seuls les policiers peuvent arriver à identifier les auteurs. Maisons par maison. Commerce par commerce. Alors, à part s’ils étaient de sortie cette nuit là, il ne voit pas comment ces types allaient pouvoir rendre la justice. D’ailleurs, ils ne souhaitaient pas rendre la justice. Ils souhaitaient « les punir comme ils se devait ». Effrayant. Intrigant. Troublant. Oui. Cela titillait Noé. Il y avait quelque chose qui ne collait pas. Dans ces moments, on est abattu, pas revendicatifs. On pleure, on ne se bat pas. Ligeonnières n’était même pas dans sa dernière demeure qu’ils promettaient de se venger. Noé prit son téléphone et composa le numéro qui figurait à la fin de l’e-mail. Le téléphone sonna une bonne minute dans le vide puis une voix de femme se fit entendre. - Oui allô ? - Bonjour Je suis Noé Ouedraougo, je viens de recevoir votre courriel concernant le décès de M. Ligeonnières. Je tenais à vous a… - Attendez, je vous passe mon mari. Noé entendit clairement la femme crier le nom de Jean et celui ci lui demander qui c’était et elle de lui dire que c’était le noir du Crédit Populaire. Pour une entrée en matière, y’avait mieux. - Bonjour, Monsieur Ouedraougo. Que puis je pour vous ? - Je viens de recevoir votre courriel m’apprenant le décès de notre collègue Ligeonnières et je voulais savoir de quelle manière je pouvais participer à votre action. - Notre action ? Quelle action ? - Moi aussi je souhaite savoir qui a commis ce forfait et je dispose de contacts dans la police, notamment sur Saint Éloi. - Ah. Je vois. Ça ne m’étonne pas. - Quoi donc ? - Que vous trempiez avec des gens peu fréquentables. - Mais… Enfin, ma proposition est tout ce qu’il y’a de plus honnête. Je vous assure que je peux vous aider. - En nous trouvant des bouc émissaires tout choisi, les gens qui menacent le trafic de vos amis par exemple, hein ? Nous ne mangeons pas de ce pain cher monsieur. Nous n’avons pas besoin de racaille pour démasquer les sauvages qui ont assassiné notre ami. Au revoir. Et le type avait raccroché. Noé resta éberlué l’espace de quelques instants, le téléphone toujours à l’oreille, le bruit de la fin d’appel comme hypnotisant ses facultés intellectuelles. Qui étaient ces types ? Des poujadistes ? Des hommes désespérés ? Mon Dieu. Que préparaient ils ?
L’esprit de famille - 08
L’ANTIDOTE
>>
<<
O2
+
+
+