Les types avaient la mine particulièrement grave. Depuis le début. Depuis qu’ils lui avaient serrés la main le remerciant d’avoir un représentant de Saint Éloi. Ils lui avaient indiqué s’asseoir et lui avait tendu une kro et puis ils avaient commencé à parler entre eux sans que jamais Stéphane ne se sente concerné. Ils parlaient de cibles non atteintes, de rétorsions, de vengeance et de nouvelles cibles. Certains avaient des cahiers épais comme leur cortex d’où ils sortaient des noms et des adresses. Stéphane essayait de les mémoriser. Au bout d’une heure il n’en pouvait plus. - Excusez moi, mais qu’ est ce que cela a à voir avec l’enterrement d’André ? Ils rirent tous et lui tendirent sa 4eme kro de la soirée. Il commençait à être entamé. La journée de boulot. L’impératif de Jean et son rechignement complétaient l’effet de l’alcool. Alors il choisit de se taire et remarqua petit à petit que le dénommé Jean semblait mener la danse. Au fur et à mesure qu’il s’affaissait dans chaise, il comprenait de mieux en mieux ce qui se jouait. Ce qui s’était joué. Et ce par quoi s’expliquait le décès d’André Ligeonnières. Une vendetta. Ces types s’en étaient pris à lui pour une raison. Ce n’était pas un dommage collatéral du commissariat ou des banques. Oui. Ils avaient voulu le tuer. Parce que ce type passait son temps libre à traquer les immigrés illégaux et à les signaler à la police pour qu’ils les renvoient chez eux. Quelque part en Tunisie ou en Algérie ou l’on crevait de soif à cette date. Merde. Ils s’étaient même donné un nom. Le Klan. Avec un K. L’homme au cortex de papier nota tout ce qu’ils se disaient. Vint le moment des spéculations. - Je vois pas qui aurait pu faire ça sur Saint Éloi. Tous rirent et le regardèrent avec un mélange de condescendance et de pitié. - C’est bien de là que ça vient. On en est sûr. - Comment ? - Parce les Couronneries sont sous notre joug. Les mecs ne broncheraient pas. Plus maintenant. - Parce que vous avez fait le mé Jean Bousquet le regarda avec une certaine méfiance et une impression de ne pas faire face à quelqu’un de franc. Il se leva de sa chaise et vint se planter droit devant Stéphane. Celui ci ne put que baisser sa kro et le regarda avec une certaine appréhension. Le type ne dit rien. Il entendait le scribe prendre des notes. Et le silence des autres membres. Il en avait compté 15. Tous de la place de l’Europe ou de la Place Coïmbra. Seul manquait pour cette dernière Noé. Cela lui échappa. - Pourquoi le type du Crédit Populaire n’est pas avec nous. C’était son banquier non ? Le regard de Bousquet vira du rouge au noir et Stéphane ne put s’empêcher de se lever. De fait Bousquet état plus petit que lui. Une position favorisante. - Alors ? Pourquoi pas le banquier ? - Parce que c’est un vendu. - Parce que vous ne l’êtes pas ? Je suis venu pour parler de deuil et de compassion et me voila mêlé à une vendetta. - Ça vous pose un problème ? Vous savez ce qu’on fait depuis dix ans ? Vous savez combien de malfrats on a renvoyé chez eux ? Vous savez ce qu’on a évité ? - Pas la mort d’André en tout cas.
L’esprit de famille - 09
L’ANTIDOTE
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