Jean Bousquet fixait Noé, le visage grave. Ce qu’il venait de lui dire l’expliquait. André Ligeonnières , lui et plusieurs autres commerçants des Couronneries étaient devenus des proies. Des proies à la merci des racailles que l’on ne voyait que la nuit. Ils étaient harcelés, persécutés, et maintenant à la faveur des émeutes, privés de leur outil de travail. Alors que devaient ils faire ? ; avait il demandé à Noé. Question de pure forme, il avait déjà donné la réponse. S’organiser. Fédérer leurs énergies. Et riposter. Quand Noé lui avait demandé comment ils comptaient riposter, Bousquet avait eu un sourire carnassier. Noé était d’avis que cela ne consistait de toute évidence pas à déposer une main courante. Seulement Noé savait dorénavant. Et tout ce que lui disait Bousquet, son portable le retranscrivait en direct. C’est fou ce que la technologie permettait maintenant. - Vous me dites donc que vous êtes victime d’une chasse à l’homme, c’est ça ? - Oui, c’est ça. Et nous savons qui nous harcèle. - Alors déposez plainte. - On l’a fait mais ça n’a rien changé. Au contraire. Ces types sont protégés, vous le savez. On ne peut pas les toucher, alors… - Alors vous avez décidé de vous faire justice vous même. - Que vouliez vous que nous fassions ? Si l’État ne peut agir, nous devions le faire. Parce que cela a déjà coûté la vie à l’un d’entre nous. Et nous ne voulons pas que cela se reproduise. Je sais que vous êtes un homme de parole M. Ouedroaougo. Je connais vos positions et que vous n’aimez pas l’injustice. Alors je vous le demande, fermez les yeux sur ce que nous faisons. N’attirez pas l’attention sur nous. Nous souffrons déjà de ce qui se passe. - Et les comptes de Ligeonnières ? Que voulez vous que je fasse ? A un moment ou un autre cela posera problème. - Nous sommes en train de régler la situation. Soyez assuré que nous ne vous causerons aucun problème. - Et Aisha et Jasmine Jaïsh, qu’est ce qu’elles vous ont fait ? Jean bousquet ne l’avait pas vu venir. Il pensait de toute évidence sincèrement que son verbiage prenait. Il ne savait pas que Karim avait appelé Noé dans la nuit avec Jean et Hakim. Il ne savait pas ce qu’il leur avait dit sur les activités et le profil de Bousquet et ses potes. Ce n’était pas la Foi fait la Force. C’était pire. Bien pire. Ces types traquaient depuis une dizaine d’années les OQTF des villes de France. Et dès qu’ils les trouvaient, ils disparaissaient. Littéralement. Cela arrangeait tout le monde jusqu’à présent. Et à Poitiers on ne peut pas dire que Langlet ou même Monchaud (parce que cela remontait jusque là) était particulièrement peiné de voir leur ville avec moins de clodos et de petits larcins qui ne faisait qu’entretenir le sentiment d’insécurité. Ces petits gestes qui pourrissaient la vie des braves gens. Ces petits gestes qui permettaient à des hommes et des femmes de ne pas disparaître complètement. Mais le vent avait tourné. Enfin presque. Stéphane les avaient entendu. Et lui avait aussi parlé de la position de la mairesse. Pas vraiment humaniste. Purement politicienne, la position. « Topez moi ces nuisibles et qu’on en parle plus » ou quelque chose dans le genre. La paix sociale. Là était son seul objectif. Alors, au fond, Noé, Stéphane et Karim, étaient un peu comme Bousquet et ses comparses. En train d’agir là où l’on ne voulait surtout rien voir bouger. La seule différence était qu’eux avaient la loi avec eux. La loi et l’Ordre. - Alors, M. Bousquet ? Pourquoi les retenez vous dans les ruines du commerce de Ligeonnières ?
L’esprit de famille - 15
L’ANTIDOTE
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