Karim était allé s’installer à Montmartre après la nuit. Histoire de réfléchir, il avait pris un thé et avait tenté de refaire le film de ce qu’il venait de vivre. Et c’était perturbant. Vers 21 heures, il avait vu sortir, respectivement Saurier, Tournier, la femme de Saurier et des types à la dégaine de hipster. Pas de trace de technicien ou de quelque ouvrier. S’il s’agissait de technicien, leur pratique devait se limiter à la manipulation de crayons et powerpoint. Saurier sorti, il l’avait suivi. Très vite il avait compris qu’il ne logeait plus ils l’avaient trouvé. Sa femme oui, par contre. Pendant une seconde, il avait hésité. Hésité à questionner une nouvelle fois Madame. Mais son instinct l’avait fait poursuivre Saurier. Ils arrivèrent vers 22 heures devant un immeuble de Nanterre. Classe pour un délinquant sexuel. A vrai dire il n’était pas un délinquant sexuel. Il était haut fonctionnaire. D’ailleurs, cela ne collait pas. Comment déstabiliser un système en en étant un rouage aussi important ? Non. Il y avait quelque chose qu’il n’avait pas compris, en fait. En buvant une gorgée de thé, il eut un flash. Saurier jouait tout simplement contre son camp. Les annonces du Ministre de l’Intérieur se succédaient mais aucune loi n’apportait quoi que ce soit de novateur. On reculait même. Moins de policiers. Moins de véhicules. Moins de moyens. Moins de magistrats. Là se profilait le chaos. S’ils se disaient techniciens, ils étaient avant tout des technocrates. Au moment il l’avait interpellé, il n’avait pas semblé surpris. C’était au moment il verrouillait son automobile. - Monsieur Saurier. - Monsieur Jaïsh. J’ai cru que j’avais réussi à vous semer. - Je suis tenace. J’ai une question à vous poser. - Allez y. - Ça fait quoi d’être un pédophile ? Saurier secoua la tête et prit une grande inspiration avant de faire un signe de tête à Jaïsh l’entraînant vers l’entrée de l’immeuble. Dans l’ascenseur, Saurier se contenta de regarder le plafond en soupirant. Jaïsh regrettait de ne rien avoir pour se défendre. - Après vous. Karim sortit de l’ascenseur et attendit que Julien Saurier ne referme la porte de son appartement pour parler. - Alors ? - Je ne suis pas un pédophile Karim. Vous permettez que je vous appelle Karim ? - Pas de problème. Vous êtes dans le déni alors ? - Bière ? - Je ne bois pas. - Ah vous êtes pratiquant. - Non abstinent depuis 3 ans 2 mois et treize jours. - Oh. Bravo. Saurier fit signe à Karim de s’asseoir dans le canapé en cuir et baissa les stores d’une pression sur un bouton. La lumière s’alluma aussitôt. Tamisée. - N’allez pas plus loin, Karim. - Plus loin que quoi ? - Que moi. Vous entrez dans une mer remplie de requins particulièrement voraces. Et qui connaissent le goût de la chair humaine. - C’est une menace ? - Non, un conseil, juste un conseil. - Que taisez vous ? - Le véritable visage de ceux qui dirigent ce pays. - Je me fiche de leurs visages. C’est leur nom que je veux. - La Foi fait la Force. En réglant son thé, Karim se demandait ce que recouvrait cette adage. Et, bordel, il n’en savait rien.
La Foi fait la Force - 09
L’ANTIDOTE
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