Stéphane avait demandé à Rose de répéter ce qu’elle venait de dire. C’était invraisemblable. Impossible. Eric ne pouvait être mort. Non. - Et il t’a légué tous ses fonds acquis dans l’affaire Eurodiffusion. - … - Stéphane ? Tu es toujours là ? - Oui. C’est juste que… je n’arrive pas à y croire. Il allait mieux. Il s’était sorti de sa fange. Il bossait bien. Et le temps que je me fasse opérer le voila devenu fou et maintenant mort. Sans que l’on sache pourquoi ni comment. C’est...c’est ...horrible. - Reprends toi mon grand, le pire est à venir. - Quoi ? - Ne m’en veux pas. Je n’avais pas le choix. - Mais… de quoi tu parles ? - Si je t’en dis plus tu finis en prison. Sois fort. Et dis la vérité. - A qui ? - Il faut que je te laisses. Je t’aime. Stéphane embrassa du regard son magasin. Il était vide. Et il ne pouvait rien y faire. «  Sois fort. ». Il en avait marre d’être fort. Il en avait marre de se faire tirer de ssus. Il en avait marre de ce quartier. Il en avait marre de la misère des autres. Il en avait marre de toujours se voir tirer vers le bas par des gens qui ne cherchaient qu’à profiter de sa position. Il avait marre d’être le couillon de service. Marre. Il en avait vraiment marre. De rage il renversa toutes ses boites de conserves. C’est là que la clochette sonna. Madame Picassou. -Mon Dieu, Stéphane que vous arrive t il ? Voulez vous que j’appelle la police ? « Sois fort ». Stéphane prit une profonde inspiration et commença à remettre ce qu’il avait fait tomber à sa place. Le spectacle devait continuer. La vie devait continuer. Les affaires devaient continuer. Ses boites ramassées et installées méticuleusement il se tourna vers Madame Picassou qui tenait sa baguette et son journal. Et il lui sourit, toute haine et colère rentrée. - Non nous vous inquiétez pas, je suis parfois maladroit. - Oh… - J’espère que je ne vous pas fait peur ? - Vous savez à mon âge la terre pourrait s’effondrer que je ne ressentirai pas de peur. La vie est ainsi faite que les coups que l’on reçoit voient leur force s’estomper. Le privilège de l’âge sans doute. - C’est une approche pleine de sagesse. - C’est ce que j’ai appris. La colère et la haine ne mènent à rien Stéphane, il faut affronter ses problèmes. Toujours. Quel qu’ils soient. C’est cela qui vous rend fort. Et apaise les blessures des balles que l’on prends. - Merci Madame. - Accrochez vous Stéphane. Stéphane croisa un instant le regard de Madame Picassou. Il était plein de compassion et d’empathie. Et son sourire aussi. Elle avait compris. Elle avait tout compris. Il la salua et lui rendit son sourire avant de la suivre, appuyée sur sa canne, son kaba dans la main, sortir tranquillement du magasin et rejoindre l’anonymat elle se plaisait de toute évidence à vivre. Pour vivre heureux, vivons cachés. C’était là un adage qui prenait tout son sens pour Stéphane. Seulement il n’était pas caché. Non. Il était en pleine lumière. Et les vautours étaient à sa porte. Il sut que c’était un policier rien qu’à sa barbe et à sa vapot’. Comme il s’avançait vers lui, Stéphane ferma sa session sur son portable et commença à enfiler son manteau. L’inspecteur n’eut même pas à parler comme Stéphane lui emboîtait le pas. « Sois fort ».
Le gardien - 05
L’ANTIDOTE
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