Noé faisait tourner son ballon de basket entre ses mains depuis un bon quart d’heure maintenant. Enfoncé dans son fauteuil, il fixait l’écran de son ordinateur. Sur celui ci brillait le compte bancaire d’Eric Picard. Et, par dessus, la commande de gel de ses avoirs. Son écran était ainsi depuis un quart d’heure. Quant il devint noir, il soupira sans arrêter de faire tourner le ballon entre ses mains. Il savait ce qu’il avait à faire. C’était la procédure. Le protocole dans ce genre de situation. Cela n’augurait de rien. C’était juste la législation qui l’exigeait dans de tels cas. Et pourtant il hésitait. Pourquoi ? Parce que cette histoire le touchait personnellement ? Parce qu’Eric avait formulé par écrit ses volontés de léguer ses fonds à son patron ? Parce que Langlet ne lui revenait pas ? Parce que Rabotin l’avait encore pris de haut ? Parce que le monde ne lui semblait plus tourner dans le bon sens ? Non. Parce qu’il avait peur. Parce qu’il ne le sentait pas. Il ne sentait pas Langlet et ses méthodes. Rabotin et ses injonctions. Et qu’il avait la drôle d’impression que les dernières volontés d’Eric ne seraient pas respectées. Oui. Il craignait qu’on abuse de lui encore. Même s’il était mort. Il posa son ballon sur son bureau et ralluma son ordinateur. Il n’y avait qu’une seule façon de connaître la suite de toute façon. Il cliqua sur oui à la requête de blocage et ferma l’application. Les visages de ses deux filles réapparurent et il eut un sentiment de honte. Comme si son acte était teinté de lâcheté. Il reprit son ballon et regarda par la fenêtre les commerçants s’installer pour le marché. On était mercredi, c’est vrai. Cela faisait deux jours maintenant qu’Eric s’était donné la mort. L’autopsie devait avoir eu lieu. Oui. Il fallait qu’il sache. Qu’il s’occupe de ce qui ne le regarde pas. Une fois de plus. Il se rassit et lança un appel vers Langlet. - Langlet. - Bonjour commissaire. - Monsieur Ouedraougo. Que puis je faire pour vous ? - Rien. Je voulais juste vous informer que, conformément à la loi, les avoirs d’Eric Picard sont gelés. - Bien. Au revoir. - Attendez ! - Vous voulez quoi Ouedraougo ? Arrêtez de tourner autour du pot s’il vous plait, ça m’agace. Surtout à cette heure. - Je voulais savoir pourquoi la requête de gel avait été envoyé alors que les faits sont caractérisés ? - Hein ? Rien n’est caractérsé. Ne m’apprenez pas mon métier voulez vous. - Mais c’est un suicide. Et les volontés d’Eric ont été authentifiés. Alors pourquoi faire du zèle ? - Bordel de merde occupez vous de votre cul Ouedraougo et laissez la police faire son travail. - Ce n’est pas un suicide , c’est ça ? - Et maintenant vous me cuisinez. Vous m’emmerdez Ouedraougo. - Commissaire…. Noé l’entendit souffler dans le combiné et une voix lui annoncer qu’il était attendu. Contre toute attente Langlet ne raccrocha pas. Il rudoya son visiteur et soupira une fois de plus. - Je sais que vous fermerez votre gueule. Alors voila. Soit votre pote était un samouraï soit il s’agit de toute autre chose. Saisissez ? - … - Bien. Maintenant vous m’en devez une Ouedraougo. A bientôt.
Le gardien - 06
L’ANTIDOTE
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