Aziz avait des cernes aussi noires que ses ecchymoses étaient jaunes. Visibles depuis la lune. Et son niveau de stress était tel qu’il avait du mal à contrôler son corps secoué de gestes sporadiques. Karim lui versa son thé et remplit son mug en même temps. Ce devait être grave pourqu’il vienne comme cela à l’improviste. Ce n’était pas son genre. De toute la fratrie il avait toujours été le plus discret. Celui que Karim connaissait le moins. Toujours à l’écart et peu présent dans les conversations familiales. Si Karim avait mis cela sur un tempérament réservé, les derniers événements lui faisait craindre le pire. Il n’y a pas que les femmes qui se font taper. Oui. Il ressemblait tellement à ces personnes qui tombent de l’escalier mais tremblent comme une feuille à la simple fermeture d’une porte. C’était un élément que Karim ne pouvait chasser de son esprit depuis l’annonce de la grossesse d’Aïsha. Ils en avaient parlé tous les deux. Et Aïsha avait été formelle. Pour elle, il était arrivé quelque chose à Juliette. Cependant la présence d’Aziz en l’absence de sa grande sœur lui faisait penser qu’il avait besoin de parler avec quelqu’un qui le connaissait pas ou peu. Un étranger. Bordel. Quel secret cachait cette famille ? - Comment tu te sens Aziz ? - Je suis fatigué. - Je comprends. Tu as pu la voir ? - Non. - Oh. Ils t’ont dit pourquoi ? - Ils m’ont dit que ses chefs étaient venus l’emmener. Elle n’est plus à l’hôpital. Karim j’ai peur qu’ils lui fassent quelque chose. - Tu penses à quoi ? Aziz baissa le regard. Il essayait de contrôler ses mains. Sans grand succès. Il était plus qu’angoissé. Karim se leva et alla dans la salle de bains. Il sortit sa boite de lexomil et la tendit à Aziz. - Non. Je ne veux pas toucher à ça, Karim. - Il le faut. Tu n’as plus les idées claires. Fais moi confiance. Cela va te faire redescendre. Karim tendit un demi cachet et Aziz l’avala avec une gorgée de thé. - Viens. On va voir Hakim. - Non on peut pas. Avec son boulot tout ça, je veux pas l’embêter. - Qu’est ce que tu ne me dit pas ? Qu’est ce que tu ne me dis pas sur ta famille ? - Je comprends pas. Qu’est ce que tu veux dire ? - Tu as toujours été en retrait. Et maintenant au lieu de te tourner vers les tiens tu viens me voir, moi le dernier rapporté. Les yeux toujours fixés sur ses mains tremblantes, Aziz prit une grande inspiration et lui déballa tout. Juliette, la chrétienne. Lui le musulman. Ca avait été dur à faire accepter. Et puis elle était dans l’armée. Et lui n’était que maçon. Ils n’avaient pas la réussite de son frère. Et puis c’était le dernier. Et puis il complexait. Et puis il était mal dans sa peau. Et puis Juliette avait vingt ans de plus que lui. Et puis ils n’avaient pas d’enfants… - OK, OK, OK, Aziz. Je connais ta sœur et ton frère. Un peu moins tes parents mais assez pour te dire qu’il faut que vous vous parliez et je suis sûr que tout ce qui te complexes n’est pas fondé. D’ailleurs, tu te souviens de leur réaction avant hier ? Aziz leva les yeux. Pour la première fois depuis trois jours, Karim y vit une lueur d’espoir.
Le gardien - 10
L’ANTIDOTE
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