Karim avait pourtant l’habitude des coursives sans fin et des chicanes aseptisées comme des étages mal indiquées, il avait réussi à les perdre, lui et Aziz dans les couloirs de l’hôpital militaire du Val de Grâce. A tel point qu’il dut se résoudre à demander son chemin. - Bonjour, excusez moi, nous cherchons le service de rééducation sensoriel ? - Oh, il faut que vous ressortiez. C’est l’unité dans le bâtiment à gauche. Unité Roland Garros. - Merci. - Je vous en prie. Bon courage messieurs. Et la soignante de reprendre sa marche rapide avec son fauteuil roulant. Aziz et Karim la regardèrent s’éloigner presque déçus. Au point ils en étaient, ils auraient aimés qu’on les accompagne sans doute. Karim regarda son beau frère. Son visage tuméfiée, virant au jaune, il faisait couleur local. Depuis la veille, ni l’un ni l’autre n’avait fermé l’œil. Hakim leur avait donné de quoi se défendre sous la forme de couteaux en céramique. Aziz avait refusé. Karim, non. L’arme le gênait pourtant. Planté contre sa cuisse droite, elle cisaillait sa peau à chaque pas. Mais il savait d’expérience qu’il faut toujours se préparer au pire. Surtout en territoire inconnu. Dans le train, il avait tenté de mieux connaître son plus jeune beau frère. Il avait abandonné au bout de deux minutes. Aziz ruminait. Et il souhaitait le faire seul. Il s’était tourné à l’opposé de Karim sur son siège. Karim avait reçu le message. Tout comme celui de Aïsha. Elle s’inquiétait. Hakim l’avait mis au parfum. Il lui avait répondu de façon laconique. « En chemin. Je te contacte quand j’en sais plus. » Le reste du trajet il le passa sur le league pass NBA. Et maintenant il se disait qu’il aurait mieux fait d’étudier les plans du Val de Grâce au lieu de regarder Steph Curry. - Bon il faut qu’on se sépare Aziz. Ton téléphone capte ? - Oui. Pourquoi on doit se séparer ? - Parce qu’il y a 4 sorties sur ce bâtiment. Je prends les deux à gauche. Toi, les deux par là. OK ? - OK . - Le premier de nous deux qui voit le pavillon de Roland Garros, appelle l’autre, ça marche ? - Compris. Karim essaya d’avoir un sourire rassurant en s’engageant vers son côté. Mais son beau frère ne le remarqua même pas. Il était déjà concentré sur le moyen de retrouver les sorties. Tant mieux dans un sens. Au bout de dix minutes et deux passages devant le plan de l’hôpital, Karim trouva la première sortie. Il sortit alors qu’une pluie fine commençait à tomber. Il se posta à une dizaine de mètres de l’esplanade mais ne vit aucun bâtiment. Raté. Il se dirigea vers le poste d’accueil et demanda un plan. L’hôtesse lui dit que l’hôpital ne proposait que les plans situés au niveau des ascenseurs. Il la remercia quand même et alla se planter devant le premier plan qu’il vit. Par chance il y avait le fameux point rouge «  Vous êtes ici ». D’après lui, il devait continuer tout droit jusqu’à la passerelle puis à la fin de celle ci tourner à gauche et une fois sorti, Roland Garros devrait être à sa droite. Il prit le plan en photos et s’engagea dans le (très) long couloir. Quand il arriva devant la sortie, il remarqua tout de suite Aziz et surtout le bâtiment à sa droite. - Tu t’es perdu ? - Et toi ? - Ben je pense que oui, vu que c’est une de tes sorties. - Peu importe allons-y. Karim remonta sa capuche et Aziz son col et ils sortirent sous une pluie battante. Seulement lorsqu’il arrivèrent devant le pavillon de l’unité Roland Garros, deux militaires leur bloquèrent le passage. - Personnel autorisé seulement messieurs. Nous allons vous demander de repartir. Si vous av… - Monsieur, excusez moi mais ma femme, Juliette Amrouche est ici. Je ne l’ai pas vu depuis son transfert de Poitiers. Je suis très inquiet. Pouvez vous au moins me dire si elle va bien et comment je peux la contacter, s’il vous plaît ? Les deux militaires se regardèrent puis l’un d’eux, le plus gradé porta sa main à son oreille puis fit un signe de tête et revint vers les deux hommes. - Monsieur Amrouche, je suis navré mais votre épouse est à l’isolement sensoriel. Personne ne peut la voir pour l’instant. - Et pour avoir de ses nouvelles ? Elle va bien ? Elle est blessée ? - Je suis désolé messieurs, je vais vous demander de reculer maintenant. Karim prit le bras de son beau frère et lui dit qu’ils réessaieraient plus tard en bravant la pluie dans l’autre sens. A la cafétéria, ils tentaient tant bien que mal de se réchauffer. Karim faisait un point avec Aïsha. - Elle est à l’isolement. Impossible de l’approcher. Des militaires gardent carrément l’entrée du bâtiment. - Merde. Et Aziz ? - Il doit être avec tes parents. Il a même pas touché à son café. - Tu veux que je demande à notre chef de service un nom ? - Un nom? - Un médecin qui pourrait peut être vous aider. - Bonne idée. Autant tout essayer. - OK. Je te contacte par message. Je t’aime. - Moi aussi. Quand il revint vers la cafétéria, il vit le visage de Aziz s’illuminer. Il le vit le chercher et lui fit signe qu’il arrivait mais déjà il venait vers lui, son portable tendu vers Karim. - Regardes ! Un sms d’origine inconuue indiquait : « RDV à 7h00 ». Les militaires... - Bon. Il va falloir s’occuper jusque là.
Le gardien - 16
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