- T’sais la plus grande mafia de la planète c’est les militaires. Et les flics. Les militaires et les flics c’est la même chose de toute façon. C’est pour ça qu’on l’appelle la grande muette. Parce que y’a jamais rien qui filtre. Y lavent leur linge sale en famille. Ils te baîllonnent, ils t’étouffent et s’il le faut il te font disparaître. C’est la vérité. - C’est pour ça que t’es là ? - J’suis par ce qu’ils m’ont pressé comme un citron. Maintenant chuis plus tout seul haut. Et encore c’est pas le pire...le pire c’est ces putains de cauchemars… - Des cauchemars ? Je t’ai pas entendu bouger depuis que je suis avec toi…. - Normal y m’font reprendre leur drogue. Sinon, ça fait longtemps que tu m’aurais entendu. - T’étais où mercredi dernier ? - Chez moi...pourq...oh toi je te rappelle quelqu’un. - Ça se pourrait. - Et…. - Et dans un sens ça fait mes affaires. Mais pas celle de mes proches. - Hum… je vois. Syndrome de stress post traumatique oublie pas ça. - Je vais essayer. - Je m’appelle Eric. - Stéphane. - Content de te connaître - Moi aussi. Stéphane regarda Eric sortir de leur chambre pour aller fumer sa première cigarette de la journée. Et certainement pas la dernière. Un grand gaillard sec et athlétique. Ça se voyait qu’il avait fait l’armée. Un homme brisé maintenant. Voûté. Et si c’était ce qui était arrivé à Eric ? Un type qui l’aurait planté dans un moment de folie ? Stéphane, allongé sur sa couchette, repensait à ce que lui avait Langlet. Quelqu’un l’avait tué. Poinçonné. Oui. Ça collait. Et s’il développait un peu plus son raisonnement, il voyait s’esquisser une situation impossible. Juliette était militaire. Et si… - Peyroux, visite ! Stéphane sauta du lit et suivit le maton jusqu’aux parloirs. il reconnut Rose au deuxième parloir. Putain. Qu’est ce qui lui prenait ? - Je veux pas, chef. Je veux pas lui parler. Je la connais pas. - Tu préfères passer une semaine au mitard ? Parler avec les gens ça fait partie de ta réhabilitation mon gars. Alors avances. Stéphane prit le combiné sans grand enthousiasme et sans regarder Rose. - Ben cache ta joie. - Pardon je vous connais pas Madame. Il leva ses yeux et les planta dans les siens. Il lui en voulait. Il lui en voulait de se mettre en danger. De les mettre en danger. Elle dut le sentir, car la tristesse se fit vérité sur son visage. Elle soupira un grand coup comme pour encaisser le coup et se racla la gorge avant de reprendre. - Très bien, monsieur. Je tiens quand même à vous informer que votre cabinet comptable a identifié la personne en charge du paiement des salaires à Feu Monsieur Eric Picard. Et vous devriez dire à votre avocat de se pencher sur son cas. - Qui c’est ? - Je ne suis pas en mesure de vous fournir ces informations. Stéphane s’apprêtait à raccrocher. Il était dégoûté. Dégoûté de lui même. De cette manière dont Rose prenait ce qu’il avait voulu comme une barrière de protection et dont elle usait pour le faire souffrir dorénavant. - Attendez ! - Quoi ? - Madame votre épouse, va vous contacter. Conservez votre téléphone à portée de main. Peut être saura t elle ce qu’il vous manque. 18 Noé n’était pas sûr de tout comprendre. Pas sûr du tout. Déjà, au lieu de se prélasser à la terrasse d’un cinq étoiles monégasque sous un soleil azuréen, il se trouvait Place de la Victoire à Bordeaux à essayer de deviner ce que faisait le gardien de l’autre côté de la place. Celui ci, bien que la pluie n’arrêtait pas, restait stoïque sous la terrasse chauffée du Bodéga. Entre eux, les gens pressaient le pas sous l’averse. En fait si. Noé comprenait une chose. Ce type en attendait un autre. Mais qui ? Et pourquoi ? Ici ? - Ziad ? - Patron. - Dites moi, Mme Ricard a des avoirs à Bordeaux ou dans le bordelais ? - Avait. C’est ce que nous avons découvert avec Jérôme. Une série de placement chez FTX l’a ruiné. Et vos aventures l’ont privés de ses hypothèques. - Mes aventures ? - Eurodiffusion. Elle était actionnaire majoritaire. - Merci Ziad. - A votre service patron. Faites gaffe à votre peau. - Merci, je vais essayer. Ben voila. Voilà LA pièce qui lui manquait. Madame Ricard avait fait assassiné son fils pour toucher le jackpot. Noé en était tellement sûr qu’il se mit à scruter les voitures qui passaient, s’arrêtant sur les modèles de luxe pour mieux voir si le gardien entrait à l’intérieur de l’une d’entre elles. Deux fois il se leva devant le regard du gardien vers des Lexus. Mais ne le voyant pas se lever il s’était ravisé autant de fois. Finalement ce fut un homme emmitouflé dans une parka trop grande qui vint s’asseoir face à lui. Le gardien lui serra la main en souriant. Ils échangèrent quelques mots, sans doutes des politesses puis les choses s’envenimèrent. Le type laissa tomber le haut de sa parka pour poser ses poings sur la table et invectiver copieusement le gardien. Lui restait impassible. Il eut même l’assurance pour poser une enveloppe devant les poings serrés de celui que Noé avait reconnu comme Jean Claude Rabotin. Les billets volèrent alors et le gardien, de toute évidence énervé prit par le col Rabotin. Noé vit la terreur sur son visage quand le gardien lui fit faire le tour de la table et ramasser les billets. Il pensa qu’ils allaient en rester mais le gardien ne lâchait pas le col de Rabotin. Noé ne réfléchit pas davantage devant la scène, il sortit du Victoire et se fit klaxonner en traversant la Place de la Victoire et son ballet de voitures incessant. Cela fit tourner la tête des deux hommes et accéléra de toute évidence les plans du Gardien. Il chargea carrément Rabotin comme un sac de patates sur son épaule et commença à trottiner direction le cours Saint Jean. Noé les rattrapa au moment ils tournaient vers le quartier Saint Michel. La chance était avec lui, un tramway les stoppa net et Noé fit chavirer de l’épaule du gardien son patron. - Venez !
Le gardien - 17
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