C’était un service que l’on pouvait qualifier de calme. De très calme. Voire d’ennuyeux. Les vacances avaient commencé. Les premiers remplaçants d’été étaient arrivés. Et, maintenant qu’ils étaient formés, la routine des mois d’été se mettaient en place au point que le service des urgences semblait anesthésié. Karim ne s’en plaignait pas. Il profitait du temps que lui donnait la conjoncture pour peaufiner ses soins et discuter avec les patients. Beaucoup de réassurance et d’explication la plupart du temps. Souvent, à cette période, les bobos étaient la norme et les hypocondriaques souvent plus visibles. Karim aimait passer du temps avec eux et faire baisser leur niveau de nervosité. Toujours est il que la journée finit par toucher à sa fin pour lui. Il signala à son infirmière qu’il montait chercher à manger au self et qu’il en profiterait pour vaper. Elle lui dit qu’il pouvait prendre son temps. Il faut dire qu’il n’y avait aucun brancard d’occupé et que les deux tiers des lits portes étaient vides. Arrivé au 11ème, il prit son sandwich et s’installa sur la terrasse. L’air commençait à se réchauffer. Il faisait bon. Il tira sur sa cigarette et regarda les volutes se balader jusqu’à la rambarde pour disparaître. Puis il croqua dans son sandwich au poulet avant de boire une gorgée d’eau. Devant lui, un couple avec un nouveau s’émerveillait de leur progéniture. Aïsha devait quant à elle s’émerveiller de l’odeur des couches de Jasmine. Le passage à l’alimentation solide avait ses désagréments. Cela le fit sourire. Et repenser à la soirée d’hier. Dans les faits, Jean ne lui avait pas dit qui était la personne qu’il devait accueillir lorsqu’il avait été amené par le policier en faction jusqu’à son bureau. « Un réfugié ». Il ne pouvait pas faire plus vague. Et quand Noé l’avait appelé monsieur le Président, il fut coi. Fazaume était son nom. De peur de faire une gaffe et surtout trop échaudé pour vouloir en savoir plus, il ne lui avait pas parlé de la soirée et avait été heureux de le voir partir avec Noé sur les coups de minuit. Aïsha ne lui avait rien demandé. Et Jasmine lui avait souri en tirant sur ses dreads toute la soirée. L’homme était aimable et paraissait simple. Loin de du comportement que l’on peut s’attendre de la part d’un homme politique de son rang supposé. D’ailleurs il ne savait pas de quoi il était président. Il avait supposé d’une banque, vu que Noé avait été dans ses petits souliers toute la soirée. En croquant dans son sandwich, il saisit Fazaume sur google et fut surpris du résultat. Abderahman Fazaume était le président de la jeune république du Nigérion. La photo était flatteuse mais c’était bien lui qui avait mangé dans leur demeure. En faisant défiler les articles se rapportant à lui, Karim finit par voir qu’il venait d’être destitué par un coup d’état militaire et était actuellement en fuite et porté disparu. L’humeur de Karim en prit un coup. Voilà qui promettait des emmerdes. Pour un réfugié, il avait beaucoup trop de notoriété et de toute évidence d’ennemis pour vivre en toute impunité, même de ce côté de la méditerranée. Karim soupira en se disant qu’il ne l’avait ni hébergé ni protégé et qu’il n’avait aucun lien avec le Niégrion. Aussi continua -t-il à faire défiler son fil d’actualité et tomba, toujours en relation avec l’homme, sur un article qui parlait des désordres au sein de Sciences Po Paris. Un vent de révolte porté par la grogne des étudiants étrangers en étaient la cause. Un syndicat d’étudiant réclamait plus de transparence de la part du gouvernement sur leurs agissements en Afrique. Tiens, tiens… Il allait lire l’article lorsque son téléphone sonna. - Karim ? - Oui, j’arrive. - Parfait, on a un AVP à gérer. - J’arrive tout de suite. Il finit son sandwich en deux deux et but d’une traite sa bouteille d’eau avant de s’engager dans les escaliers à toute vitesse. Quant à Adberhaman Fazaume, il verrait plus tard ce que sa rencontre entraînerait.
La peine capitale - 04
L’ANTIDOTE
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