Le Président Fazaume n’avait pas l’intention de rester en France et encore moins à Poitiers. Si l’étape pictave lui avait permis d’entrer incognito dans la métropole française, son objectif était de rassembler ses soutiens et de retourner en force dans son pays pour y reprendre sa place. Noé l’avait tout de suite compris, Fazaume savait qui se cachait derrière le coup de force de sa garde rapprochée. La Russie. Et, bien qu’il ait été élu démocratiquement, la pression de ses derniers mois, les conséquences du réchauffement climatique qui allaient à eux deux suffisamment de mécontents et de faim avaient permis de voir la situation se dérouler. Comme si le peuple laissait faire. A vrai dire le Nigérion était une jeune démocratie. Combien d’autocrates placés par la France s’étaient succédés depuis l’indépendance jusqu’à son élection ? Bien trop. Et c’était pour cela qu’il ne voulait pas que son peuple sache qu’il avait fui en France. Parce que pour les nigérionnais, la France n’était plus la patrie des Droits de l’Homme depuis bien longtemps. Oui. Elle n’était qu’un pays colonisateur qui continuait à imposer sa loi et piller l’Afrique. Alors le Président Fazaume marchait sur des œufs. Il ne pouvait agir avec le soutien de la France et ne pouvait laisser un nouveau « partenaire » particulièrement louche en place. Il devait devenir ce pour quoi il avait été élu. Une homme visionnaire. Quand il avait exposé son plan à Noé pour y parvenir, ce dernier se demanda se situait la frontière entre vision et élucubration. Le Président voyait un grand destin à son pays. Il le voyait devenir la première république africaine libre et autonome. Il lui avait dit que c’était une façon de combattre tous les obscurantismes. Y compris ceux du nord du pays comme ceux à côté de son bureau. Et Noé comprenait qu’il ne voyait personne d’autre que lui mener à bien ce projet. Alors le terme « possédé » vint à l’esprit de Noé comme il écoutait le Président particulièrement enfièvré pour lui expliquer qu’il commencerait par les infrastructures. Des infrastructures qu’il financerait avec l’argent issu du paiement de la Dette qu’il réorienterait pour le bien de son peuple. Puis viendrait la nationalisation des mines d‘Uranium et de terres rares. Enfin l’Éducation. Il fabriquerait des écoles dans chaque village , formerait autant d’instituteurs que nécessaires et sortirait son peuple de l’ignorance. Et ainsi de suite. Jamais un mandat de 7 années lui serait suffisant, ni même deux. Alors quand Noé lui demanda comment il comptait réaliser ses projets dans sa situation, le Président lui répondit qu’il lui fallait un porte voix. Un porte voix qu’il avait trouvé. Quelqu’un qui lui permettrait de mener à bien ses idées. Qui les partageaient. - Qui ça, Président ? - Vous devez m’emmener à Paris pour le savoir. - Vous ne craignez rien ici. - Moi non. Vous… Noé sentit presque sa peau blanchir. - Bien, je vais voir ce que je peux faire. A ce soir. - A ce soir Noé. Et Abderahman Fazaume de fermer la porte derrière lui comme si Noé avait été invité dans sa propre maison. Il chassa de sa tête cette impression désagréable et prit le bus jusqu’aux Couronneries, salua Jocelyne et dit bonjour à ses deux chargés de clientèle avant de se poser derrière son bureau, de lancer sa boite mail et de décrocher son téléphone. Parce qu’il n’était pas question qu’il reste une journée de plus invité chez lui. - Oncle Toussaint ?
La peine capitale - 05
L’ANTIDOTE
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