Noé ne pensait pas que cela l’aurait autant affecté. Avec Karine à son bras, il regardait, en retrait, le cercueil de Jean Claude Rabotin s’énfoncer dans son caveau d’un cimetière anonyme de la banlieue bordelaise. Il avait été retrouvé il y a une semaine, mort, la tête sur sa parure de bureau frippée qui devait remonter à son premier poste au Crédit Populaire. Crise cardiaque. Tout autour de Karine et lui, ils reconnaissaient ou découvraient les têtes de quelques chefs d’agence avec qui il était en contact. Ils n’avaient même pas eu le temps de faire la paix. D’où ce sentiment de culpabilité. Parce qu’après tout, Noé devait la vie à Rabotin. Il avait été celui qui lui avait tendu la main quand personne ne l’avait fait. Pas même Karine. Et il ne l’avait jamais oublié. Leurs désaccords les avaient pourtant éloignés. Trop peut être. A aucun moment Noé ne s’était mis à sa place pendant cette période. Et maintenant il l’emmènerait lui aussi dans sa tombe, cette sensation de mal être. Comme si lui Noé l’avait abandonné. Les croque morts laissèrent quelques instants à sa famille avant de fermer le caveau. Les gens commençaient à se saluer, le visage grave en quittant dans le silence le cimetière. Noé découvrait la fille et le fils de Rabotin. Sa femme aussi. Tous de noirs vêtus, la mère soutenue par ses enfants, Noé comprenait qu’il avait été aimé. Sa fille semblait particulièrement touchée. Elle fut la dernière à lancer sa rose sur le cercueil de son père. Elle resta encore alors que sa mère avançait péniblement vers Saurier au bras de son frère. - On ferait mieux d’y aller, chérie. - Comme tu veux. Noé renifla un grand coup et commençait à prendre la direction de la sortie lorsqu’il sentit une main sur son épaule. - Monsieur Ouedraougo - Madame Rabotin. Je… - Vous savez Jean Claude vous aimait beaucoup. - C’était réciproque. Si j’avais su… - Oui. Nous en sommes tous là. Je vous remercie d’être venu. - Si vous avez besoin de quoi que ce soit, je… - Je sais, Monsieur Ouedraougo. Alors ne laissez pas ces derniers mois gâcher ce qui a fait votre amitié avec mon mari. Il ne l’aurait pas voulu. - Je vous remercie. La femme de Rabotin le serra dans ses bras et lui fit un signe d’adieu. Noé crut qu’elle allait lui dire quelque chose mais les sanglots interrompirent son élan. Noé et Karine lui firent de concert un signe de tête. Sur la tombe un peu plus loin, sa fille restait , les yeux rivés sur la dernière demeure de son père. Comme hypnotisée. Mon Dieu. Ils ne pouvaient qu’imaginer la douleur qu’elle devait traverser. - Monsieur Ouedraougo ! Karine et Noé se retournèrent encore, sur le seuil du cimetière. Madame Rabotin. Encore. - Il était extrêmement fier de vous.
La mot de Rabotin - 01
L’ANTIDOTE
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