L'avantage des horaires décalés résidait dans le fait de pouvoir disposer de jours de congés dans la semaine. Ainsi après quatre jours de travail, Karim bénéficiait de son mardi et de son mercredi. Il put faire un énorme grasse matinée puisque son rythme n'était pas calé sur celui de Aïsha et, après un repas/petit déjeuner, il prit son ballon et enfourcha son vélo, direction le Jardin des Plantes. Il verrait pour valider sa vaccination demain. Les soignants ayant le privilège de disposer de leurs propres créneaux. Aujourd'hui, il ne ferait rien qui lui serait imposé, c'était décidé. D'ailleurs il n'allait pas se rendre au Jardin des Plantes, il irait au City Park de Buxerolles- Mairie. Il regretta son choix deux coups de pédales données dans l'immense ascension menant aux Couronneries. Il y arriva quand même et, à la première intersection, il tourna à gauche et la route devint plus clémente. Sons souffle repris, il galéra un peu mais finit par trouver ce qu'il cherchait. Personne n'était sur le terrain. Il l'avait tout pour lui. Il attacha son vélo et ouvrit son sac puis se faufila entre les poteaux qui donnait accés au terrain et décida de s'échauffer avec vingt allers retours de terrain. Cela lui prit une bonne dizaine de minutes. Et il se demanda s'il devait arrêter ou continuer. Il s'assit trente secondes sur son ballon puis fit une série de pompes et d'abdos. Et enfin, il s'autorisa à jouer. Il n'avait pas pris cinquante shoots que des footeux se radinèrent et amputèrent le terrain d'une moitié. Perturbé quelques instants, Karim leur renvoya deux ou trois fois leur ballon puis la cohabitation se fit toute pacifique. Le temps passa. Deux heures après être arrivé, et un peu plus de deux cents shoots rentrés, Karim s'autorisa une pause. Il sortit de l'enclos du city park et regarda les footeux jouer quelques instants. Ce fut son erreur. Le terrain se retrouva envahi avant qu'il n'ait le temps de réagir. De fait, sa session se retrouva terminée. Bien que frustré, il se dit que deux heures de jeu c'était mieux que rien. Il regarda l'heure : 14h10. C'était l'heure d'un bon café. Il reprit son vélo et s'élança vers la place de l'Europe. Arrivé, il trouva un café et s'assit à une table, masque sur le nez. Le serveur ne lui demanda même pas son QR Code et lui apporta son café avec le sourire. La journée état douce. Une léger filet d'air faisait redescendre sa température. Rien d'autre que le spectacle de la place dans la tête, il était heureux. La mixité tranquille de ce quartier populaire de Poitiers l'émerveillait toujours. Lui qui avait autant grandi à la campagne qu'ici, avait longtemps eu en tête les clichés sur les vilains étrangers véhiculés plus par ignorance que par choix des campagnards. Et là, sous ses yeux, les gens de toute confession et de couleurs s'arrêtaient et échangeaient ou se baladaient sans l'ombre d'une agressivité ou de mauvaise volonté. Que l'on était loin des clichés. Karim savait bien que la nuit tombée, le quartier changeait malheureusement de visage et la sauvagerie et l'irrespect poussait les gens à finalement fuir un quartier somme toute agréable. Comme si la ville était schizophrène. Une face bonne. Une face maudite. Il recommanda un café, pris dans ses pensées et demanda s'il pouvait avoir le journal. Le serveur lui apporta les deux. La Nouvelle Presse du Centre titrait sur l'immolation en plein après midi d'un homme, photo des séquelles du supplice de la personne gravés dans le pavé de la place de Coïmbra. Décidément la face maudite n'attendait même plus que le soleil soit couché. Il tourna les pages comme si cela avait été inéluctable. Les bandes de Poitiers et Châtellerault avait été jusqu'à provoquer des fusillades en plein après midi dans les rues de Saint Eloi poussant une descente du RAID, alors pourquoi ne se feraient ils pas brûler ? En fait, cela n'avait rien de surprenant. Il se demanda un instant ce que Maurice avait pensé en ouvrant son journal sur cette une. Cela avait renforcer son sentiment d'insécurité comme disent les savants télévisés. Tout cela le ramena sur terre. Ici. A Poitiers. Dans un quartier chaud. Bref. Il ouvrit donc le journal et se mit à chercher parmi les faits divers. Ce qui l'intéressait était de retrouver trace de la raison de sa rencontre avec le commissaire Monchaud.
Un voie pour des voix - 5
L’ANTIDOTE
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