Stéphane avait donné sa journée à Ibrahim. Il avait entraînement ce soir à la Pépinière et tout un tas de papiers à préparer et remettre à la Préfecture pour sa naturalisation. Son grand oncle étant sur le dossier, cela avait libéré Stéphane de toute obligation lui permettant de profiter de son commerce, pour une fois. Depuis ce matin, il n'avait pas eu à se plaindre. Il avait été surpris par le nombre d'anciens qui faisaient la totalité de leurs courses dans son magasin. Et mangeaient conserves et congelés à longueur de semaine. Dommage qu'il n'ait la place pour mettre un frigo, il était sûr de faire rentrer encore plus d'argent. En parlant d'argent, bien que les dernières semaines aient été agitées, le CA et les bénéfices grimpaient gentiment et il disposait maintenant d'une solide clientèle. Il avait remplacé les légumes toxiques par du cassoulet et du couscous à prix cassé et Rose n'y avait rien vu à redire. Il se leva et remplit d'ailleurs le rayonnage. En faisant un rapide tour de son stock, il se rappela que le mardi, il devait commander ses denrées à PoitouDiffusion. Il retourna à son comptoir, encaissa une baguette et un pack d'eau minérale et se connecta au logiciel. Il se demanda, en remplissant le formulaire, ce que devenait le fils Desplechin. Etait il mort ? Millionnaire ? En Chine ? Aux USA ? Avec Elon Must ou une autre de ces nouvelles stars de l'entrepreneuriat ? • Ton fric, vite ! • Bonjour ma belle • T'es pas drôle. T'es pas doué. Que me vaut la visite de mon comptable. Aurais je été un mauvais gestionnaire ? • Pas plus que d'habitude. • Je suis déçu. • Déçu ? Je m'attendais à ce que tu me dises que j'avais été un très vilain garçon et qu'on fasse l'amour sauvagement dans l'arrière boutique. • Jamais rien entendu de plus glauque. • C'est que tu manques d'imagination. Ca va sinon ? • Ben oui. T'as le temps d'aller manger au resto avec moi ? Non. Pas aujourd'hui, j'ai donné sa journée à Ibrahim. Je suis seul à bord. Ca fait bizarre d'ailleurs. Rose alla dans l'arrière boutique et prit une chaise et s'assit à son côté après avoir pris deux sandwichs triangle et une canette de coca light. • T'as des serviettes ? • Derrière le rayon, là. • Merci. Bizarre ? Comment ça bizarre ? • Ben c'est comme si j'étais pour la première fois à ma place. • Je vois. C'est ça de jouer les justiciers. • Je ne joue pas au justicier. Les emmerdes m'aiment c'est différent. • Ils aiment aussi ceux qui t'entourent. • Désolé. Rose avala la dernière bouchée de son premier triangle et le signa en disant «  tout est pardonné », lorsque le cloche retentit. Elle remballa vite fait son repas et fila dans l'arrière boutique, laissant Stéphane à son travail. Il s'agissait de trois jeunes en survêtements qui s'étaient dirigés directement vers le rayon des alcools. Comme d'habitude. Ils ne traînèrent pas cette fois ci. Sans doute une nouvelle technique. Stéphane ne comptait plus le nombre de bouteilles de whisky qu'il avait vu disparaître après le passage de ces types ou leurs congénères. Il refusait pourtant de mettre une quelconque alarme, au grand regret de Rose. Non. Il voulait savoir comment ils faisaient. Cela lui promettait un après midi moins monotone que prévu. Quand les types arrivèrent avec une caisse de Canard Duchêne et deux billets froissés de 100€, il fut surpris. Puis déçu. Il n'allait pas pouvoir chercher sa bouteille perdue. • Gardez la monnaie. • Merci messieurs.
Un voie pour des voix - 6
L’ANTIDOTE
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