Karim était resté à la terrasse de la Serrurerie une bonne demi heure. Il consultait l'heure et la journal d'appel de son téléphone régulièrement, espérant que le retard de Sarah Azuelo lui serait expliqué. Quand le ciel se tinta de rouge, il accepta le fait qu'elle ne viendrait pas. Il avait payé son coca cola, et remercié la serveuse en partant. Pour retourner chez lui, la circulation n'était pas fluide et il lui fallut un bon quart d'heure pour atteindre Saint Benoit. Au moment de franchir le voie express intérieur, il prit subitement vers le nord. Dans sa tête, il n'y avait aucun doute. Sarah Azuelo était en danger. Et Thomas Virandier en était la cause. Depuis que ce dernier avait quitté le service, il ne pouvait s'empêcher de voir dans les paroles qu'il lui avait adressé les signes d'un drame à venir. La façon dont elle l'avait éconduit peu de temps après, lui avait même donné un sentiment d'imminence à l'expression de ce que cet homme avait de plus noir. Avant même de se rendre à la Serrurerie, il avait hésité à foncer directement à l'adresse qu'il avait trouvé dans les pages blanches. Mais ce visage aux deux noms l'avait retenu. Thomas Virandier ne pouvait être qu'un parent de Paul Bouchet. Quels étaient alors leurs liens ? Et si le travail de Sarah était la raison exact de ses blessures ? Se pouvait il que sa profession ait déformé sa vision ? Il devait en avoir le cœur net. En arrivant au chemin forestier menant à l'entrée de la propriété occupée par le couple, il chassa de son esprit ses questions et s'engagea dans l'allée indécelable depuis le sentier. Elle parcourait une bonne centaine de mètres avant de se diluer dans une grande cour en terre battue, rectangulaire et bordée par 3 corps de bâtiments dont un voyait ses fenêtres éclairées. C'était une ferme imposante dont seul le bâtiment éclairé semblait avoir reçu les travaux évitant son délabrement. Les toitures des deux autres étant percées et les portes en étaient absentes. A l'intérieur le noir absolu empêchait à Karim de deviner quoi que ce soit sur leur fonction présente. Seule, une petite dépendance qu'il devinait à peine maintenant que l'obscurité avait gagné le ciel, arborait une meilleure tenue. La porte qui fermait ce petit lieu était ouverte et la lumière de lampe de poche qui s'en échappait donnait à voir un sol de béton en excellent état et comme passé au détergent. Alors qu'il poussait la porte, il entendit des cris et des coups. Il était à moins de cinq mètres de la fenêtre ouverte du bâtiment principale. Instantanément il reconnut la voix de Virandier bien que déformé par la colère. L'autre voix lui était aussi familière bien que ce fut une voix d'homme. Il s'écarta du réduit et longea le mur protégé par l'ombre projeté par la lumière des lampadaires et tendit l'oreille. - Tu dois le faire Thomas. Tu m'entends ? On ne doit rien laisser. - Fais le toi - Moi, je m'occupe de l'autre, c'était le deal. - Putain... - Prends celle ci. Un bruit d'arme que l'on inspecte prolongea la conversation. Karim reconnut le bruit de la balle qui se loge dans le canon, prête à tuer. Un instant il lui sembla reconnaître une voix plaintive qui semblait lutter pour qu'on la libère. Les pas des deux hommes semblaient indiquer qu'il se séparaient. La pièce lui sembla vide et propice à son intervention immédiate. Une autre arme se chargea quelque part plus loin dans la maison. Quand il fut devant la fenêtre, la lumière lui masqua un instant le corps de l'homme attaché à une chaise, il ne devina que la chevelure de Sarah dans l'ombre de la porte du fond, une arme au poing. Juste avant le vacarme des chaises qu'il renversa en sautant dans la pièce, ses tympans semblèrent se percer sous le bruit d'une détonation que rien ni personne n'aurait pu éviter.
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L’ANTIDOTE
La gueule du loup
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