Lesservicesd'aprèsmidienréanimationchirurgicaleétaientsouvent moinsdensesmaisplusmouvementésquelesmatins.Nombred'entréesse faisantlanuit,lachargedetravaildumatinrestaitlaplusélevée maislesaprèsmidiexigeaientdavantaged'implicationet d'applicationdansd'autresaspectsdelaprofessiondeKarim. C 'étaitlorsdesheuresd'aprèsmidiques'effectuaientlamajorité desretoursdeblocsouletransfertdecertainspatientsneréclamant pluslessoinsspécifiquesduservice.Ainsidesgrandsnettoyageset deschecklistsdontlaminutieaveclaquelleellesavaientétéécrites devaient correspondre à un travail tout aussi méticuleux.C'étaientlàlestâcheslesplustechniquesetquelquefoislesplus fastidieusesdesontravail.C'étaitaussilapartleplusimportante tantquantitativementquequalitativement.Uneerreur,unoubli,une mauvaisetransmissionetKarimsavaitquelavied'unpatientpouvait basculer. Il s'attela donc avec tout son sérieux à la tâche. Laconversationavecsescollèguestournaviteauxretentissementsde l'affaireHerbelinettrèsviteKarimsesentitmalàl'aise.Ilrit bienauxblaguesdesescollèguesmaissoncaractèreréservéetsa volonté d'être le plus discret possible eut raison de leur curiosité. Detoutefaçon,Karimnepartageaitpasleurenthousiasmequantàses soidisantprouesses.IlsavaitcequecelaavaitcoûtéàStéphane, Noéetmêmelui.Uneformededésenchantementrefaisaitsurfacedans sonespritcommeaprèsunelonguesériedeservice.Lafatigue,le stressetl'agitationpouvaientavoirceteffetsurlui.Ainsipensait ilqu'ilnepouvaitfinalementplaceraucuneconfianceenquiquece soitcommeilnepouvaitattendrequelepiredesescongénères.Ilse sentit alors particulièrement seul.Aumomentdelapause,ilrepensaàCandiceJommenetsamère.Etau lieud'éprouveruneformedecompassionàleurégard,c'estplutôtune formepernicieusededégoûtqu'ilressentait.Sesdeuxfemmes,avaient finalementprouvéqu'ilyavaitencoredesmondesdifférentsetque, lui,petitaidesoignant,nefaisait,aufinal,quecohabiteravecle leur.LesparolesdeCandicetrottaienttoujoursdanssatête.Etleur natureoffensante,qu'ilsavaitdevoirmettresurlacolèred'une personneendeuillée,résonnaitencoredanssatêteaupointqu'il n’avaitaucunementenviedefairepreuved'unequelconqueempathie envers ces gens bien nés. Sa rancœur l'inquiétait d'ailleurs. Peut-êtrecelavenaitelledecequ'ellerévélaitdevéritésurnotre société.Ou,plussimplement,étaitcelecontrecoupd'unehistoire oùfinalementilavaitpeudormi.Amoinsquecenesoitdesesentir s'épuiseràsesacrifierenpartiepourunevieoùlareconnaissance était souvent fugace et peu concrétisée.Acetinstantilnepouvaitdirelaquelledesesaffirmationsétaient vraies.Peut-être l'étaient elles toutes un peu. Celal’entraînaverslamémoiredesesparents.Touslesdeuxétaient mortsdepuisplusdedeuxannéesmaintenant.Etilsesouvenaitdece quesamèreluiavaitdit.« Cen'estpasparcequetuaslamême carted'identitéquelesfrançaisquetoutt'esacquiscommeeux.Tu doisfairetespreuves.Tudoismontrerquetuaimecepaysplus qu'eux ».Quandelleluidisaitcela,pendantsonenfancesurles hauteursduVigeant,ilvoyaitsonpèrefumerlapipeetregardervers l'horizon et regrettait qu'il ne prenne pas sa défense.Aujourd'huiilcomprenaitl'attitudedétachéedesonpère.Ils'était battupourlaFrance,ilavaitreniésonproprepeuplepourdes valeursqu'iladmirait.Etmaintenantqu'ilétaitaveclesautres harkiscoincédansunemaisonenalgeco,ilcomprenaitquelaFrance n'étaitpasdifférentedesautres.Toutjusteunpeuplus prétentieuse.Etdéjààl'époquebienloindel'idéalquifrappaitles frontonsdesesécoles.Ilfallaits'enaccommoder,c'esttoutlui disait sa mère lorsqu'il pointait ce larsen.Repenseràsesparents,nefitqu'aggraversonsentimentdesolitude. Il fit alors comme toujours. Ils se plongea dans son travail.Lebox1étaitoccupéparunpatientde62ans,GuillermoAzuelo, entrépourdétressecardiorespiratoire.Aprèsavoirétéintubé48 heures,soncorpsavaitreprisledessusmaissonpronosticvital était toujours engagé.Aujourd'hui, sa fille lui rendait visite.Quandilentradanslebox,ilconstataqu'elleétaitàsonchevetet qu'elleluitenaitlamain.Alorsqu'ildormait,Karimfitsontravail leplusdiscrètementpossible.Aumomentdesortir,ilcroisale regard de sa fille. Il s'arrêta.Sesyeuxnoirsrayonnantdanssonvisageovaleauxrefletsdorés étaientemplisdelarmes.Elleluisouriait.Karimleluirenditavant de s'adresser à elle.- Je vais vous amener de la glace, Madame Azuelo.- Il a de la température ?- Non. Pour vous. Pour vos pommettes.