Quelque chose entravait la respiration de Stéphane. Chaque inspiration lui soulevait le cœur.Les vapeurs d'essence qui imbibaient le bâillon l'empêchaient même de déglutir. Il sentait sa salive couler sur son menton se mêlant aux caillots de sang qui s'agglutinaient sur son visage. De ses yeux pochés à ses lèvres boursouflés en passant par ses oreilles, il n'entendait que battre son cœur. Karim aurait certainement identifié une tachycardie inquiétante. Ses tempes semblaient avoir été ouvertes. Bizarrement cela le soulageait. Comme si, au delà de la violence avec laquelle il venait d'être roué, la douleur avait un après. Quand il réussit à faire le point sur ce qui l'entourait, le monde semblait avoir acté sa disparition. Deux hommes à la stature imposante discutaient devant une porte ouverte sur le noir. Il ne comprenait pas ce qu'ils se disaient. Seul le volume de leurs paroles lui révélait leur désaccord. Le type de droite saisit celui qui pouvait être son fils par le bras et lui tendait quelque chose de l'autre main. Il y avait du défi dans leurs attitudes. Quand il vit le plus massif des deux hommes lâcher le plus petit, son esprit se mit à paniquer, il se remua sur son siège, tentant de défaire les liens qu'il l'entravaient aux pieds et aux bras. Une violente décharge le fit crier lorsqu'il bougea son mollet droit. Il sentit la balle tétaniser le muscle avant qu'un hoquet de bile ne vienne se mêler à la salive et au sang de son menton. Ses yeux irradièrent ses nerfs optiques de pure terreur et il crut voir la mort en personne dans le canon qui se levait vers son front. Derrière lui, il reconnut l'homme qui le tenait. De sa haute stature il comprit qui l'avait trahi. Et qui allait le rendre au néant. Sans raison, il eut envie de s'excuser pour le reste. Pour tout le reste et il se dégagea de toute considération sur quoi que ce soit. Sa corps se raidit alors et il souleva son poids et celui de la chaise qui le retenait. Il ne vit pas le visage se teinter de peur de celui qui avait planifié jusqu'à sa mort. Il se contenta de le renverser. Le baillon l'étrangla un peu plus lorsqu'il se mit à jouer de sa tête comme d'un poing, il sentait des os se briser sous son front et la viscosité du sang de son ennemi se répandre dans les plaies qui lui avaient été infligées. Toute sa rage se déversa comme une lumière froide directement en prise avec son subconscient jusqu'à ce qu'il entende un coup de feu répandre le silence autour de lui. Sous son corps l'homme était inerte. Il tendit l'oreille et reconnut une voix qui lui était familière. Il ne pouvait rien voir, il ne pouvait rien comprendre. Il interrogea les ténèbres, ne sachant plus s'il était encore de ce monde. - Karim ? Karim , c'est toi ? L'uppercut de l'homme qu'il écrasait le renversa sur le côté droit. Il poussa un cri de pur adrénaline. Ses jambes prirent une position si inhumaine qu'il ne put plus bouger une once de son corps, entièrement accaparé par la douleur. Il entendit comme étouffé les mouvements mal assuré d'une personne qui tentait de fuir puis encore plus lointain le crissement d'une voiture qui s'échappait et enfin ses jambes revinrent sous lui et ses poignets gonflèrent , enfin libérés de leurs liens. Il reconnut Karim lorsqu'il vint se placer devant ses yeux, alors qu'il l'avait installé sur le flanc. - Stéphane je..Stéphane ? Stéphane ! Reste avec moi La gifle partit, reconduisant Stéphane jusqu'à un état de semi conscience, il luttait pour garder les yeux ouverts. Karim le gifla une fois de plus comme ses yeux se fermaient à nouveau. Cela le fit revenir et réveilla la douleur. Il lutta pour regarder son ami. Il semblait ultra concentré et maître d'une situation qui tentait de les engloutir. Au prix d'un effort douloureux, il hocha la tête pour lui dire qu'il était là. Karim lui glissa une couverture sous la tête et couvrit son corps avec le reste avant de se lever et de reprendre la parole. - Tu restes comme ça. Il faut que tu gardes les yeux ouverts, tu m'entends ? Il faut que tu fasses le guet. Maintenant. OK ? - OK. - Bien. Je veux que tu surveilles mes arrières. Tu gardes les yeux ouverts et si quelqu'un vient tu cries. Le silence s'installa l'espace d'un instant dans la pièce. Stéphane luttait pour garder les yeux ouverts. Il regardait par la fenêtre. La lumière du jour arrivait. Un bruit lointain de deux tons commençaient à s'approcher. Il savait alors qu'il allait avoir à crier sous peu. Il ne put s'empêcher de perturber Karim comme il égrenait le compte à rebours de ses erreurs. - Elle est va s'en sortir ? - Elle, oui. Lui j'y travaille. - Il a voulu me tuer. - Elle s'est chargé de te venger, alors.
12
1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14
chapitres
>>
<<
L’ANTIDOTE
La gueule du loup
Depuis 2017
ALC Prods