Bizarrement les événements des derniers mois avaient apporté à Stéphane une renommée dont il se serait bien passée. Nombre des ses clients avaient vu en lui un schéma alternatif à défaut d'être constructif de la vente et de la consommation de stupéfiant. Et lorsque la Nouvelle République avait dévoilé à demi mot son mode de fonctionnement, il avait eu, sans trop savoir comment, de nouvelles sollicitations. Si au début, il avait refusé ses clients d'un nouveau genre, il s'était résolu à faire un peu plus d'argent avant de raccrocher. Ainsi, sa petite plantation s'était muée en l'espace d'un mois en champ de plein air bien camouflé quelque part en forêt de Moulière . Il allait régulièrement entretenir ces plants d'un nouveau genre en s'assurant à chaque fois qu'il n'était ni suivi, ni remarqué. Ces balades en campagne avaient eu le don de l'aider à reprendre pied dans le monde. Son séjour en prison, aussi court fut il, l'avait profondément marqué. Dans sa chair bien sûr mais également dans sa manière de voir le monde et surtout ses semblables. Il ne se l'avouait guère mais il craignait dorénavant bien souvent la présence d'autres personnes. Se retrouver en forêt entouré de tout ce que la nature offre de quiétude l'aidait à évacuer le trop plein de stress qu'une simple journée lui faisait subir. S'il avait tenté au début de faire pousser le chanvre californien, son acclimatation au climat poitevin avait été un échec et il avait du se tourner vers le Net et quelques sites spécialisés pour dénicher une ou deux variétés plus enclines à prospérer sous les latitudes poitevines. Sa première récolte, quelques semaines seulement après être revenu chez lui, s'était avérée un franc succès. Il avait eu de quoi contenter tout le monde et même un peu plus. Se refusant toujours à prendre part à la consommation de ce qu'il vendait, il avait décidé d'organiser en son appartement, une sorte d'après midi de dégustation. Armé de son portable il avait appelé quelques habitués et quelques nouveaux venus qui l'avaient sollicité quelques temps avant. D'ailleurs, à sa sortie du bureau du commissaire Bouchet, il était déjà en retard. Lorsqu'il arriva devant les grilles de sa résidence, deux habitués attendaient déjà. Il dut les faire patienter un bon quart d'heure afin de préparer son appartement et les ustensiles qui allaient être nécessaires à la dégustation de son herbe. Au total, 8 personnes s'étaient présentées, soit la totalité des appels qu'il avait passé plus une personne, une ancienne connaissance avec laquelle Big O et lui avaient été en affaires. Il ne le connaissait peu et même son prénom lui restait inconnu au moment de lui serrer la main. Sa présence avait été en quelque sorte une obligation, en mémoire de Big O, et il ne s'attendait guère à quoi que ce soit d'autre de sa part que des problèmes, seul son insistance avait eu raison de ses réticences. Quand il prit le temps d'observer ses autres clients potentiels en sortant le thé glacé maison de son réfrigérateur, il constata que sa clientèle appartenait de toute évidence à la nouvelle bourgeoisie. Celle des trentenaires diplômés de faculté ou de grandes écoles à la recherche d'authenticité et de mieux vivre. Il imaginait aisément que l'un d'entre eux devait bien avoir une prius et que la majorité utilisait les vélos électriques de la municipalité. Lorsque le troisième joint issu de sa récolte fut allumé, il regretta aussitôt ce qu'il avait entrepris. La conversation prenait des tours de gourmets et rares étaient ceux dont il se sentait suffisament proche pour se détendre et commencer à planer. Cela fit qu'il se referma en son intérieur et attendit que tous eut suffisamment noté les diverses touches et senteurs auxquelles il était définitivement hermétique comme leur digressions paresseuses sur les effets du THC qui s'accumulaient dans leurs synapses. Une élévation du volume sonore l'obligea néanmoins à s'extirper des brumes de sa purple haze avant que l'heure des comptes ne sonne. Face à deux femmes, un homme, de ses nouveaux clients, commençait à hausser le ton et les yeux explosés, il invectivait les autres clients au sujet de la légalisation du cannabis. Essayant de rattraper son retard , Stéphane se contenta d'abord d'écouter. - Vous êtes vraiment qu'une bande de petits bourgeois coincés. Vous croyez vraiment qu'il faut légaliser le cannabis pour des raisons sanitaires ? Z'êtes trop con. C'est juste du business. Si y'en a qui veulent dans les politiciens c'est pour la thune des taxes. Mais y'aura toujours du plastique dans vos bouts de shit. - Permet moi d'en douter mon grand. - Tu me parle pas comme ça. - Je te parle comme je veux. - Ah ouais ? Stéphane plaqua l'individu contre le dossier de la chaise au moment il allait se lever. Leurs regards étaient aussi rouges l'un que l'autre mais la détermination dans celui de Stéphane venait d'une cellule miteuse de la prison de Vivonne. - Je crois que je te dois une explication, mon grand.
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L’ANTIDOTE
La gueule du loup
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