Karim avait quitté son appartement aux Trois Cités dès qu'il avait entendu les premiers coups. Bien qu'il n'ait su exactement se trouvait Stéphane et son tortionnaire, il n'avait pas eu à réfléchir de trop pour comprendre la localisation générale. Depuis moins d'une semaine leurs vies s'étaient un peu plus imbriquées avec comme point nodal une femme qui s'était suicidée. Et cette femme avait eu pour dernier domicile connu une maison pavillonnaire dans les alentours de Jaunay Clan. Malgré l'urgence qui émanait de son smartphone, il avait rapidement consulté ses papiers, avait sorti l'adresse que lui avait donnée le policier à toute fin utile, lancé une recherche sur le net et était parti en trombe vers le nord de la ville. Le volume du smartphone de Karim était à son maximum et depuis un quart d'heure il entendait son ami se faire tabasser entre deux grésillements. Bien que cela fut au dessus de ses forces, il avait laissé sa ligne ouverte. Chaque coup le touchait lui aussi. Et chaque respiration douloureuse de Stéphane lui disait de tenir bon. En double appel, il avait joint Noé et était tombé sur sa messagerie, le son de sa voix et son débit rapide avait alerter son ami et il espérait qu'il ait pu joindre la police. En arrivant aux abords du pavillon de Jocelyne, rien ne trahissait un tant soit peu ce qui s'y passait. Il croisa même un homme entre deux âges promenant son chien. Celui ci leva la tête, interloqué par la vitesse à laquelle Karim arrivait vers lui. Il dut même changer de trottoir lorsque celui ci vint arrêter sa voiture dans un crissement de pneus. Son regard devint alors suspicieux l'espace d'un instant. Karim n'en tint pas compte. Quand le coup de feu retentit dans le smartphone et l'air du pavillon, le badaud détala à grande vitesse en tirant sur la laisse de son chien. Ignorant les aboiements stridents du caniche, Karim fonça sans réfléchir vers la porte d'entrée du pavillon. Au moment il allait l'ouvrir, la porte se déroba à lui et il manqua tomber face contre terre. Ce fut le corps massif de Big O qu'il percuta avant que Big O ne le repousse violemment, le projetant dans l'allée. Avant qu'il n'ait le temps de reprendre ses esprits, Diakhité lui arrachait les clés de sa voiture des mains et lui assénait un violent coup de pied dans les parties. Bien que la douleur fut vive, il se releva d'un bond et fonça vers l'entrée dégagée de la maison. En pénétrant dans la pénombre du séjour, il entendit le vrombissement du moteur de sa clio quittant les lieux. Son regard dut s'acclimater à la luminosité en clair obscur avant de pouvoir prendre connaissance de l'ampleur des méfaits de Big O. Son smartphone était toujours allumé mais tout ce qui en émanait provenait de lui. Il identifia le corps inerte de Thomas Bosquet, prit la peine de tâter son pouls et comprit qu'il n'y avait plus rien qu'il puisse faire pour lui. A la gauche du cadavre affaissé dans l'urine et les excréments, son ami se tenait la tête renversée et méconnaissable. L'impact de la balle avait éclaboussé ses vêtements et du sang coagulait déjà au point d'entrée de celle ci, quelque part au niveau du cœur. Il ne put retenir un juron comme il s'activait pour le détacher. Le cœur de son ami avait cessé de battre et son dos ne montrait aucun point de sortie du projectile. Il finit par venir à bout du chatterton autour de ses pieds et commença son massage cardiaque. Le téléphone coincé entre l'épaule droite et son oreille, il attendait que le SAMU décroche, continuant à faire circuler de toute ses forces le sang dans le corps inerte de son ami. Quand ils décrochèrent il se présenta et exposa clairement la situation. Après leur avoir affirmé qu'il pouvait être transporté, ils lui dirent qu'il seraient dans 15 minutes maximum et raccrochèrent. Karim laissa tomber son téléphone et consulta l'heure. 18H15. Il lui fallait tenir ce quart d'heure sans flancher. Pourtant, déjà ses muscles se tétanisaient devant la répétition et la violence de l'exercice. Toutes les 30 impulsions il glissait la paume de sa main sous le nez ensanglanté de Stéphane attendant en vain un souffle d'air. Mais rien ne venait. Au bout de 10 minutes, il sentit un os se briser sous la paume de ses mains. Il s'arrêta le temps de surélever les jambes de son ami pour augmenter les chances d'irrigation de son cerveau et reprit le massage malgré la douleur.
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