En arrivant sur le site du CHU, Karim Jaïsh crut qu'il allait être en retard. Il suivait depuis l'avenue Jacques Cœur, une ambulance du SMUR qui ne devait pas dépasser le 30 km/h. Une longue file de voiture le séparait du véhicule, certains les feux de détresse en marche. Plusieurs prirent le risque de doubler cette sorte de convoi. Plusieurs fois il vint à se demander s'il n'y allait pas s'ajouter de l'horreur à l'horreur quand, à deux reprises, les automobilistes pressés se rabattirent de justesse. Le trafic se libéra passé le carrefour de l'université, lorsque l'ambulance tourna à droite. Il fila alors à plus vive allure jusqu'au rond point de l'entrée principale en pensant gagner du temps. Mais d'autres automobilistes le retardèrent encore. Il entra dans son service avec 10 minutes de retard, loupant au passage une partie des transmissions entre l’équipe en place et sa relève. Des bips continus agitaient les scopes des 8 box du service de réanimation chirurgicale il travaillait. Sa collègue aide soignante lui fit un rapide topo de la situation et lui précisa qu'une entrée allait se faire après les transmissions infirmières. Sans qu'il n'ait besoin de trop réfléchir, il fit le lien entre la cause de son retard et cette arrivée. Sa collègue prit le temps de préparer avec lui le box, vérifiant les appareils de mesures, l'arrivée d'oxygène et le système d'aspiration trachéale, puis il prit le temps de lire le dossier infirmier d'un ou deux patients afin d'organiser au mieux son service. Le patient arriva alors qu'il avait commencé son travail. Il entendit ses collègues s'activer puis les scopes se mirent à résonner dans le box jouxtant le sien. Un infirmier maugréa sur le dispositif d'aspiration et il se souvint qu'il n'y avait pas installé de canule pour rendre le système totalement opérationnel. Un giclée d'adrénaline finit de le réveiller. A 8h, il quitta le box 8 et prit les informations sur le box 6. L'infirmier lui expliqua qu'elle venait de subir une amputation des deux jambes et une ablation de la rate. Une fracture de la colonne vertébrale la rendait dorénavant tétraplégique. Son pronostic vital était engagé et elle était placé actuellement sous respiration artificielle. La seule chose qui la maintenait parmi eux était un encéphalogramme stable. Autrement dit, cette femme était dans le coma et il était possible, si l'hémorragie massive qu'elle avait subi ne la tuait pas, qu'elle puisse recouvrer toutes ses fonctions cognitives. Quand Karim lui demanda comment cette femme s'était mis dans cet état, l'infirmière lui tendit le dossier médical sans même le regarder. L'alarme stridente du monitoring cardiaque du box 4 le happa sans qu'il puisse l'ouvrir. Il sortit du box 4 plus d'une demi heure après l'alerte. Karim retrouva le dossier là où il l'avait laissé. La patiente s'appelait Jocelyne Bosquet. Elle avait 32 ans. Divorcée et mère de 2 enfants, elle vivait seule à Jaunay Clan elle occupait un poste de caissière à Auchan-Futuroscope. Originaire de cette ville, ses parents, agriculteurs, étaient décédés l'année dernière. Son ex mari vivait maintenant à Paris. Elle avait été retrouvée à l'aplomb du viaduc Léon Blum ce matin à 10h45 par les services du SMUR. Deux défibrillations avaient été nécessaires pour faire repartir son cœur. Une heure avait été nécessaire avant de pouvoir la mobiliser. C'était un suicide. Ou, pour l'heure, une tentative de suicide. Le rapport des services de police le confirmaient. Karim finit de lire en diagonale le dossier paramédical avant d'entrer dans le box. Là, il constata qu'elle était maintenant complètement stable. Sa respiration est ample et régulière. Après avoir installé correctement la patiente, il fit le tour de ses affaires. Il chercha un instant la poche transparente contenant ses effets et commença à les noter. Un élément retint son attention. C'était un post-it maculé de sang. Inscrit fébrilement à la main, il ordonnait : « Ne lui pardonnez jamais ». Il sortit du box et héla son infirmière référente. Alors qu'il lui présentait le mot, elle leva ses yeux du post it et lui indiqua sans un mot que cela lui incombait. Il composa alors depuis le poste du service le numéro du policier en charge de l'enquête.
3
1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15
chapitres
>>
<<
L’ANTIDOTE
Les actionnaires minoritaires
Depuis 2017
ALC Prods