La 308 banalisée de la police devait maintenant dépasser les 170 km/h. Noé avait beau avoir attaché sa ceinture de façon lâche, chaque courbe de la rocade nord Est de la ville faisaient se rétracter les attaches et mordaient sa peau à chaque point de contact. Son estomac ne craignait pas tant l'apesanteur que le crash et seul la pensée de ses deux amis l'empêchaient de sombrer dans l'inconscience. Devant lui, les deux policiers braillaient tour à tour après les automobilistes et après leurs collègues de la gendarmerie départementale de Jaunay Clan. Les uns pour qu'ils libèrent la voie, les autres pour qu'ils établissent au plus vite un périmètre de sécurité et interceptent au plus vite Honoré Diakhité. Depuis que l'inspecteur Chavet l'avait surpris dans ses pensées à la sortie du Bistrot du Boucher, les choses avaient définitivement pris une tournure dramatique pour Noé. Coincé dans les sous sols du commissariat central de Poitiers, il avait d'abord obtenu des réponses aux questions qu'il n'avait pas pu poser à Maître Jacquet. Extorsion de fond, blanchiment d'argent, table d'écoute, réseau mafieux avaient été les termes centraux de leur discussion. Le policier lui avait expliqué ce qu'il savait déjà concernant ses soupçons quant à la probité du projet qu'il n'avait entre les mains que depuis quelques jours. Les reste avait dépassé son entendement. Deblaix et Jacquet étaient en fait la cheville ouvrière d'une entreprise frauduleuse de grande envergure. Le fond de pension anglais était en fait un fond de pension anglophone basé aux Bahamas. La DEA avait depuis longtemps placé celui ci sur la liste noire des fonds de blanchiment d'argent des cartels de la drogue mexicains. C'était la partie immergé de l’iceberg. Localement, cela ne leur aurait même pas été intéressant si, il y a peu, un des clients du cabinet Jacquet & Deblaix avait cambriolé le domicile d'Olivier Jacquet et s'était défendu auprès de la police en parlant de récupérer l'argent que l'avocat lui avait volé. C'est cela qui les avaient conduit à s'intéresser à Jacquet. Les mouvements d'argent des comptes bancaires des deux parties avaient permis la mise sur écoute. Qui avait permis la découverte du projet immobilier et ses investisseurs sulfureux. La police avait alors reçu une aide de la DCRI pour déterminer si, oui ou non, il fallait agir ou attendre. Ils avaient se résoudre à attendre pour faire tomber la pyramide du plus haut possible jusqu'à ce que Noé, Karim et Stéphane ne se mettent eux aussi à fouiller et à éveiller les soupçons de Jacquet, manquant au passage de tout compromettre. Noé n'avait su exactement expliquer les raisons de leur action, abasourdi par l'ampleur de ce qu'il entendait et n'avait pu que bredouiller le nom de Jocelyne Bosquet. L'inspecteur l'avait alors regardé sévèrement et était sorti de la salle il était entendu, l'air contrarié. Noé en devinait aisément la raison. Il la connaissait même depuis plus de 20 ans. Son silence pouvait s'avérer coupable mais il savait aussi que les affaires de son ami n'avaient rien à voir avec un fond d'investissement bahaméen. Lorsque l'inspecteur entra à nouveau dans la salle, il était convaincu que sa meilleure défense serait le silence et il se savait capable de tenir cette ligne malgré le regard toujours soupçonneux et le ton moralisateur qu'avait adopté à cet instant son interlocuteur. - Connaissez vous Stéphane Peyroux ? - Non - Je crois que si. Vous jouez au basket avec lui tous les mercredis soir au Jardin de Plantes. Il est le parrain de votre fille aîné. Vous vous êtes rencontrés au collège Jules Verne de Buxerolles, 4°D. Mais j'imagine que cela ne suffit pas pour dire que vous le connaissez ? Le regard de l'inspecteur brillait de toutes ses années d'investigations. Bien qu'il se fut résolu quelques instants plus tôt à ne rien dire, il était impossible à Noé de mentir à un tel homme sans risquer de se retrouver piégé. Il se décida ainsi à jouer carte sur table et à avouer ce dont il n'était au fond qu'un spectateur malheureux. L'appel de Karim avait alors tout changé. Il avait mis en branle la machine policière avec une célérité redoutable et embarqué Noé dans le périple par soucis de gain de temps. C'est donc à 170 km/h qu'ils avaient remontés la 4 voies de Poitiers jusqu'à Jaunay Clan. Noé avaient les mains incrustés dans son siège depuis leur départ et rien que le fait de sentir la mousse s'effriter sous ses ongles suffisaient à lui dire combien le temps était compté. Il ne savait si ses amis étaient toujours ou s'ils avaient étés massacrés par Big O. Il ne savait si celui ci était toujours avec eux ou en fuite. Et il ne savait même pas exactement il conduisait la police. L'inspecteur Chavet le tira de son angoisse juste avant le rond point des Portes du Futur. - M. Ouedraougo, l'adresse exacte ! M. Ouedraougo ? Comme le policier l'interpellait, Noé voyait passer en sens inverse la clio de Karim. Il la reconnaissait entre toutes puisqu'elle avait été celle de sa femme trois années auparavant et que Karim n'y avait toujours pas fait changer la calandre endommagée. Au volant, il reconnut aussi instantanément le visage massif de Big O et ses yeux dont ils ne savait s'ils pleuraient ou hurlaient. Il s'écria alors et avant même qu'il ait le temps de réagir le policier au volant traversait la route au mépris de tout danger. Ayant aperçu leur manœuvre, Big O grilla le triple feu rouge de l'entrée de Chasseneuil et s'engagea sur deux roues vers Montamisé. La 308 pilla et Noé eut le souffle coupé au moment ils durent laisser passer une voiture qui manqua s'encastrer dans le poteau du feu rouge dix mètre en aval. Lorsqu'ils s'engagèrent à leur tour sur la route de Montamisé, Noé jeta à coup d’œil au compteur. 145. A la radio, il crut entendre un gendarme dire qu'ils étaient sur les lieux et que l’hélicoptère du SMUR venait de décoller. Happé par la nouvelle comme les deux policiers, il ne vit pas la clio de Big O à la sortie du virage suivant. Tout juste perçut il le crissement des pneus de la 308 avant que les air bags ne sortent de leur logement.
14
1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15
chapitres
>>
<<
L’ANTIDOTE
Les actionnaires minoritaires
Depuis 2017
ALC Prods