Effectuer le trajet de son domicile, rue Alsace Lorraine à son bureau, deux rues plus loin, ne prenait pas plus de cinq minutes à Noé. Depuis maintenant un peu plus de 5 ans que les travaux de réfection du centre ville avait commencé, il y avait une bonne année que les résidents de l'hyper centre en jouissait quasiment pleinement. La circulation automobile se limitait dorénavant aux bus de la ville et les piétons, cyclistes et poussettes avaient pris complètement possession du centre historique de Poitiers. Restaurés, les bâtisses gravitant autour de l'hôtel de ville étaient d'un blanc éclatant, même en cette journée d'automne grise et pluvieuse. La pierre blanche et calcaire du Poitou donnait presque une tonalité méditerranéenne à la ville. L'architecture fin du 19ème siècle et l'axe haussmannien entre la préfecture et la place de l'hôtel de ville rappelait quoiqu'il en soit qu'il s'agissait d'une capitale régionale. Loin du pittoresque touristique de la vieille ville et ses ruelles médiévales, l'agence centrale du Crédit Populaire se trouvait non loin du cœur administratif de la ville. Et Noé à deux encablures de celle ci. Lorsqu'il pénétra à l'intérieur de l'agence, plusieurs de ses collègues du service aux particuliers gravitaient autour de la machine à expresso. Il franchit le hall en saluant tout le monde et appela l'ascenseur pour rejoindre son bureau. Celui ci couvrait une superficie supérieure à 100 m². En entrant, une table basse et deux fauteuils en cuir permettait la tenue de rendez vous privés puis à la perpendiculaire, sous la baie vitrée, une table de réunion pouvant accueillir l'ensemble de ses collaborateurs du secteur entreprises. Elle jouissait de toute la clarté dont il pouvait parfois être nécessaire. Enfin, son bureau barrait le fond de l'espace de toute sa longueur, son ordinateur fixe vissé à droite. Dossiers, tablettes et fournitures de bureau étaient rassemblés dans un mélange disparate de marron et de blanc sur la majeure partie du plan de travail, à l'exception de la garniture centrale, noir et mate faisant face à son fauteuil de cuir blanc. Lorsqu'il vint s'y asseoir il trouva le dossier barré d'un Resort Futuroscope qu'il avait laissé la veille. Avant de s'y plonger une dernière fois, il alluma son ordinateur central, sa tablette et consulta sa montre puis ses mails. Ne relevant rien d'important ou d'urgent, il ferma sa boite de réception, enclencha l'alerte et se concentra sur le dossier qui l'attendait dans l'heure et demi à venir. Les éléments clés étaient rassemblés en une note concise et frappée la veille par sa secrétaire. Compte tenu des fonds qu'il allait peut être engager et de certains éléments, il était le seul à connaître les enjeux du dossiers pour l'instant. Deux points essentiels s'avéraient à éclaircir. La choix judicieux de s'appuyer sur le centre thermale de la Roche Posay devait permettre un partenariat public/privé qui n'était pour l'heure pas envisagé malgré l'effet levier qu'il permettrait. Le second point important, revenait sur la mise de fond proprement dite. Le montage dévoilé dans le business plan faisait bien état d'une capacité de remboursement du prêt demandé via l'hypothèque mais les partenaires n'étaient pas clairement identifiés. Il leur faudrait des noms viables pour bénéficier des services du Crédit Populaire. Après une relecture complète de la note, Noé convint que c'était uniquement cela qu'il aborderait pour ce premier rendez vous. Il surligna les deux points, plia la feuille pour masquer les demandes plus techniques puis rassembla les dossiers qu'il allait avoir à évoquer dans le briefing de 11h. Sa secrétaire le prévint de l'arrivée du responsable du projet un petit quart d'heure après. Il l'accueillit avec respect et ils échangèrent quelques amabilités avant de s’asseoir dans les fauteuils en cuir. Connaissant Noé, Thibault Deblaix comprit que l'on en était donc pour l'instant qu'au round d'observation. Il accepta le café et proposa à Noé d'exposer ses questions. Ce dernier décida de s'en tenir à son plan. - En fait, deux interrogations me bloquent pour l'instant. La première sur le core du projet. Vous évoquez un CA de plus de 200 k€ par mois pour la thalasso et prévoyez une utilisation massive de produits premium La Roche Posay. C'est une excellente idée, alors pourquoi pas de PPP ? - Vous le savez la réglementation et plus touchy dans ce cadre de montage et les investisseurs souhaitent pouvoir bénéficier d'un retour plus agressif dès la première année. La Société Civile Immobilière a par ailleurs fait ses preuves. Et la Société anonyme offrira une capacité équivalente en matière de leverage à terme. - Oui, mais en terme d'image et d'insertion du complexe dans le tissu économique local, n'est ce pas une prise de risque trop prédatrice pour lancer le projet ? Thibault Deblaix comprit à cette deuxième question, ce qui gênait fondamentalement Noé. Il se rassit, but une gorgé de café et sourit avant de reprendre la conversation, résolu à n'en rien laisser paraître. - Loin de notre volonté, nous souhaitons juste pouvoir développer le modèle - Franchiser ? - Je ne devais pas vous dire ça si tôt mais oui. Le but est là. Et nous voulons garder l'entière jouissance des droits sur le concept - Je comprends votre choix alors. Le deuxième point va être plus facile. Qui sont vos investisseurs ? - Vous voulez des noms ? - Exactement Thibault. Et même des noms connus, cela vous aiderait. Votre business plan parle de deux investisseurs à hauteur de 45 % du projet global et de quelques 30 investisseurs pour les 6% restant. Je vous fait grâce des petits porteurs. Les deux noms me seront plus utiles. - Je peux pour l'instant vous donner le garant du premier investisseur. Herbelin. - Voila ce que je vous demandais. Un nom connu. OK Et pourquoi pas l'autre, pour l'instant ? En voyant Thibault Deblaix se tortiller et se reculer dans le fauteuil, Noé sut qu'il venait de mettre le doigt sur un point sensible. Il décida de ne pas pousser son avantage plus loin. Il tenait à suivre ce projet et à garder toutes les opportunités à portée. - Peu importe, Herbelin me suffit. Faites moi passer le projet de capital risque pour le développement franchisé afin d'étayer le business plan et je sonde Paris. Thibault Deblaix acquiesça comme Noé finissait son expresso. La tasse de son interlocuteur l'était également. Noé se leva et invita courtoisement Thibault à rejoindre l'entrée de son bureau. Deblaix comprit et suivit Noé jusqu'à la porte après avoir rassemblé ses notes. Sur la dizaine de pas qui les séparait de la poignée de main scellant la fin du rendez vous, Deblaix avait déjà intégré que Paris ne serait jamais informé. Il décida de piquer suffisamment la curiosité de Ouedraougo pour éviter cela. A en croire ses partenaires, il n'y avait qu'une risque calculé à dévoiler ce qu'il s'apprêtait à énoncer. Et beaucoup d'argent à obtenir. - Écoutez Noé, pour le deuxième partenaire principal, on s'oriente vers un acteur immobilier majeur, seulement la transaction de quelques arrhes est encore à valider alors... - Jourdain ? - Je ne peux rien dire mais vous avez les doigts dans le feu, Noé - Bien, quand pourrez vous me le confirmer ? - Disons 48 à 72 heures max. - Parfait. On se dit à vendredi alors ? - Excellent. - Envoyez moi ce que je vous ai demandé demain quand même on avancera plus vite comme ça. - Demain à 8 h dans votre boite mail.
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