Noé était plus calme maintenant. L'inspecteur à la gueule de travers qui lui avait baissé les bras avant de plaquer à nouveau violemment le morveux qui tentait de se relever venait de le soumettre à la question pendant... Pendant combien de temps ? Il ne savait pas exactement. Ces pièces étaient pour ainsi dire faites pour vous couper du monde. Son horloge interne lui donna une durée approximative. Celle qui lui avait permis de retrouver son calme. Soit le temps qu'agisse le skenan qu'il avait pris à la dérobé une fois son dealer menotté et avant que deux bleus ne viennent lui demander si tout allait bien et s'il voulait bien les suivre. Le terme ubuesque n'était pas le bon par rapport à ce que Noé s'attendait. Plutôt surréaliste. L'agresseur traité avec égard. La victime poussée sans ménagement dans un panier à salade. Il l'avait vu disparaître un étage encore en dessous de lui dans le commissariat. Menottes bien serrées dans le dos, il avait la tête basse. De toute évidence il n'avait pas, comme le peu de notes qui avait conduit Noé jusqu'à lui le disaient, arrêté de dealer. Il en avait eu confirmation au fur et à mesure que le recueil de son témoignage c'est ainsi que l'inspecteur Levert lui avait présenté ce qu'ils allaient faire-. - C'est donc vous qui l'avez sollicité, c'est ça M. Ouedraougo ? - Oui. En Effet  Il y a deux jours maintenant - Et comment l'avez vous connu ? - Je ne peux pas vous le dire. - Comment ça ? - Je suis banquier, inspecteur. Et nous aussi nous sommes soumis au secret. Le secret bancaire. - Je vois. Que lui avez vous demandé ? - Des morphiniques. - Ca fait longtemps que vous êtes accro ? - Je ne suis pas accro. Je souffre de violentes dorsalgies. - OK. On en est là. - Comment ça on en est là ? Le skenan n'était pas encore complètement passé dans son sang et Noé, à cet instant restait comme un loup dans une peau de mouton. Il s'en aperçut trop tard. Levert s'enfonça dans sa chaise et laissa le temps couler quelques secondes, les yeux plongés dans ceux de Noé. Quand ce dernier dut s'avouer, une fois encore, vaincu, il revint à la charge. De façon beaucoup moins courtoise. - OK, le junkie. Je vais être plus clair. Quand ? Combien ? Où ? Depuis quand ? Dans l'ordre s'il te plaît. Autant saisi par le changement de ton, qu'effrayé par la sécheresse des propos, Noé s'exécuta. Dans le détail. Et dans l'ordre. Depuis le coup de fil jusqu'à l'altercation quelques heures plus tôt. Levert sembla satisfait. Il avait tout noté dans un calepin déjà bien entamé. Un flic à l'ancienne sans doute. Noé s'attendit à ce qu'il le libère lorsqu'il revint lui couper l'herbe sous le pied. - Bien. Donc vous m'avez dit que vous devez respecter le secret bancaire. C'est laquelle la vôtre ? - Le Crédit Populaire. - Très bien. Vous pouvez y aller. C'est une fois que le skenan atteignit son pic dans ses veines, dehors sous la pluie dense, qu'il comprit qu'en plus d'avoir perdu sa famille, il venait de perdre son emploi. Et plus personne pour pouvoir le sortir de sa merde. Il regarda une fois encore le début de la rue Magenta qu'il croisait en revenant machinalement vers chez lui quand il sut que le flic avait raison. Il fallait qu'il se fasse soigner.
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L’ANTIDOTE
Un regard sur la nuit
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