L'après midi n'en était qu'à la moitié que déjà le ciel, pourtant sans nuage, commençait déjà à s'assombrir. Les terrains du Jardin des Plantes ne comptaient guère de sportifs. Deux en fait. Karim et Stéphane. Ils se livraient une bataille engagée depuis maintenant plus d'une demi heure. Les sweater étaient tombés depuis longtemps et leur front étaient couverts de sueur. Ils ne faisaient pas semblant. Quand Stéphane feinta à droite puis avança vers sa gauche pour finalement passer le ballon entre ses jambes en un arrêt brutal, Karim était presque tombé sur les fesses. Stéphane déclencha son shoot. Il ne toucha que le filet. Il annonça alors « 30-28. On souffle avant la belle ? ». Karim dorénavant les mains sur les genoux annonça dans un souffle qu'il était d'accord. Il se redressa et alla chercher son ballon et leurs deux sweater, posés sur les rambardes à côté du terrain. Son revêtement était vraiment un régal. Ce n'était pas du béton. Plutôt un sorte de goudron moelleux. Toujours était il que jouer dessus ménageait sérieusement vos articulations. Stéphane s'en était rendu compte de lui-même, quand après une longue session matinale d'un dimanche de septembre, il était rentré chez lui sans boiter. - J'adore ce nouveau terrain - Ah Ouais ? Je crois que les paniers son plus bas . Et moi j'aime bien le contact avec le béton. - Vieux con. - Canard boiteux. Il échangèrent un regard entendu avant de sourire. Stéphane enfila son sweater en même temps que Karim et regarda les voitures passer sur le boulevard. Cela faisait longtemps qu'ils n'avaient pas joué ensemble. Karim avait insisté. Depuis une semaine il lui disait de poser une demi journée, lui fournissant même ses horaires de disponibilité. Hier, après que Favreau soit venu lui rendre visite pour lui donner le fin de son histoire, il avait dit oui. - Il faut que je te lise un truc - Hein ? - Il m’ait arrivé une histoire de dingue - Une fois de plus - Écoute. « La came était au juge. » C'est le titre. - Ça commence bien - Attends la suite : « Le premier juge au tribunal de grande instance de Poitiers vient d'être rayé du barreau et mis à pied immédiatement après que la police ait découvert qu'il fournissait son fils cadet, Jacob, en stupéfiant que celui ci écoulait dans tous les beaux quartiers de la ville. C'est grâce à la vigilance de quelques citoyens que la piste de fils a pu être remontée et son activité prouvée. En effet, alors qu'il se sentait menacé il avait fracturé le local d'un commerce de Saint Eloi... » - Non. Le Tien ? - Attends. « ...Fracturé le local d'un commerce de Saint Eloi il avait déposé son stock. La police avait alors reconnu des stupéfiants saisis lors d'un précédente affaire et, avec l'aide du commerçant et de plusieurs anonymes, le business familial est tombé. Aujourd'hui des questions restent encore en suspens, notamment sur l'implication de la sœur aînée, avocate d'affaires, du suspect ainsi que sur les ramifications de ce trafic. « Nous n'en sommes encore qu'à la surface de l'iceberg. Nous ne manquerons pas de vous informer de suites de l'enquête » nous a laconiquement servi le commissaire Favreau, qui comme à son habitude n'a pas voulu commenter les rumeurs sur son éventuel départ pour le 36 » - Alors toi … - J'adore le titre : La came était au juge - T'as pas eu de problèmes au moins. - Ben je vis avec une porte qui tient avec du scotch en attendant le serrurier mais sinon c'est comme si tout s'était passé sans que je n'y prenne part. - Dans un sens tant mieux. Des fois vaut mieux ne pas être impliqué. - Ouais. Sinon on devient un canard boiteux. T'est prêt ? Stéphane s'était relevé de son ballon et regardait le ciel en faisant l’hélice avec ses bras pour les réchauffer. Il avait raison, il ne restait pas beaucoup de temps. Mais Karim était coincé dans son histoire. La leur de toute évidence. Il avait compris pourquoi les flics était venus maintenant. Et il venait de comprendre qu'il avait été son alibi. Peu importe que son frère soit passé cinq minute pour leur refiler un cacheton dont son ébriété lui avait fait oublié le nom et la nature. Il comprenait aussi pourquoi elle l'avait traité de con. Et que ses yeux étaient si humides. Parce qu'il en était un. Elle avait toujours été sincère envers lui. Et quand il l'avait aperçu il y a peurue Magenta, il comprenait maintenant pourquoi elle n'avait pas répondu à son signe. Parce qu'elle avait mal ; à cause de son égoïsme. Et de la bouteille. Le soir même même il avait tout viré. Tout nettoyé. Et s'était acheté du thé à la menthe. C'était mieux pour lui. Et plus facile pour oublier. - Au fait Noé ne devait pas nous rejoindre ? A l'évocation de Noé, Karim sortit de sa tête et se leva. Il l'avait eu au téléphone. Pas bien le Noé. Pas bien du tout. Il ne lui avait rien dit comme à son habitude mais il sentait que quelque chose n'allait pas. Il passerait le voir demain. Sans faute. - Je suis pas sûr qu'il vienne. Il m'a dit qu'il était enrhumé. - Ah. Ok. Allez, honneur au perdant !
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L’ANTIDOTE
Un regard sur la nuit
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