- Ah parce que tu crois que tout interdire est une bonne solution ? - Non. Je dis juste que ce que révèle cette interdiction t'éclaires sur ce qui est bon et sur ce qui est mauvais. Je ne dis pas qu'il faut tout prendre au pied de la lettre. Le Coran n'est qu'une base de réflexion. Un trousseau de clé. - Laisse tomber. - Laisse tomber quoi ? L'alcool ? Les drogues ? Ne me dis pas que tu y vois une solution... - Tout ce que je vois c'est que ton texte ne laisse aucune liberté. Aucun libre arbitre. Si je veux boire, c'est un choix. Un choix qui me revient. Et les conséquences, ce n'est pas Allah ou je ne sais pas qui qui les endossera. Tu le sais très bien. Tout ça est trop facile. - Mon Dieu...Où es tu tombé Karim ? Dans un verre de vodka avait il envie de lui dire. Il préféra renifler et regarder la lumière se confondre avec la terre. Il était temps d'y retourner. De retourner auprès de ceux qui souffrent. Et qui vous font oublier la vôtre. - On doit y retourner. Aisha ne chercha pas à prolonger quoique ce soit. Elle se leva avec lui et le suivit après qu'il eut jeté son mégot dans l'énorme cendrier de la terrasse du 11ème étage de l’hôpital de la Milétrie. Quand ils arrivèrent 10 étages plus bas, il la regarda partir et éprouva autre chose que du soulagement. Un sentiment inconnu. Pas de désir. Pas de dégoût. Un mélange de fierté et de jalousie. Il aurait aimé avoir sa droiture. Et il prenait l'attention qu'elle lui portait comme une marque qu'il en était digne. D'où ce mélange émotionnel hautement inflammable. Il aurait bien avalé une gorgée de tequila. Ou de rhum . Ou de bourbon. Histoire de prolonger la plénitude de pouvoir se comprendre. Au lieu de cela il s'avança vers l'entrée des urgences pédiatriques et aida l'ambulancier à faire entrer un petit corps presque livide jusque dans un lit porte. Il tâta son poignet. Le pouls était élevé. Sans doute une surinfection. Ou une intoxication alimentaire. Il rapprocha le scope et prit la tension du petit être. - Tu m'entends Joseph ? - Hmmmm. J'ai mal à la tête. - Mal comment ? - Comme woodywood peecker - Je vais dire à l’infirmière de te donner quelque chose pour que ça passe. Ca ne va pas agir tout de suite. Alors il faut que tu empêches woodywood de rentrer, d'accord ? - D'accord. - Il faut que je prenne ta tension et ta température. Tu permets ? Joseph lui tendit son bras. Son faciès incarnait une profonde souffrance. Il alla chercher un gant d'eau froide et lui passa sur le visage avant de le poser sur son front. Il sembla se détendre. Autour de lui, sa mère et son père étaient aussi blancs que lui. Qu'est ce qu'il lui arrivait ? Qu'avaient ils loupé ? Ou provoqué ? Le sentiment de culpabilité est inhérent à la tâche de parent. - Excusez moi. Je veux juste vous dire que l'interne va passer sous peu. Si jamais il vous semble qu'il change de comportement appuyez sur le bouton de la sonnette. - Très bien. Merci monsieur. En sortant de la chambre, Karim comprit que le gosse avait certainement contracté une méningite. Sa façon de plisser les yeux. L'histoire du pic vert. Tout cela allait certainement déboucher sur une hospitalisation en pédiatrie. Si l'interne arrivait assez vite. Et que les antibios qu'il prescrirait soient les bons. Sinon ce serait les services réanimatoires. Et une longue convalescence. A moins qu'il ne se trompe complètement que ce ne soit tout simplement un trop plein de chocolat. Après tout, c'était l'époque des calendriers de l'avent et le gosse se tenait autant le bide que la tête. Quand il revint dans la salle des urgences, il n'y avait plus personne. A part ses collègues de relève. Il transmit deux ou trois infos sur les personnes présentes à celle qui le remplaçait et décida que c'était assez pour aujourd'hui. Sur le chemin du vestiaire il chercha Aisha. Sans succès. Elle devait être déjà partie. Ou pas. A vrai dire ce n'était pas le plus important. Il aurait juste aimé lui souhaiter une bonne soirée. Devant son casier, il se dit qu'elle devait certainement en avoir rien à foutre. Son smartphone était muet. Aucun appel. Aucun texto. Il s'habilla vite fait et alluma une clope dès qu'il fut sur le parvis . - Vous fumez trop jeune homme - Et vous, vous me collez trop. Laissez moi vous en offrir une avant de vous dire au revoir Il tendit la cigarette promise à Solène et ignora sa moue. Il n'avait pas envie de la voir. Il n'avait pas envie de baiser. Il avait besoin d'autre chose. Autre chose qui lui était inaccessible. Cela lui fit tourner la tête vers son bourreau. - Ah quand même ! Un peu d'attention. - Qu'est que tu viens faire ici ? - Je viens m'excuser. Il faut qu'on cause.
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L’ANTIDOTE
Un regard sur la nuit
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