Le numéro d'Anne Paniagini brillait sur l'écran de son smartphone. Stéphane le regardait fixement. Entre deux allers retours vers ce qui encombrait son arrière boutique. Des sachets. Des sachets et encore des sachets. De médocs. Emballés comme s'il sortaient de l'usine. Directement emballés dans leurs petites boîtes de 28 doses. Certainement des contre-façons. Et à côté un sac crevé par la souris qu'il n'avait pas réussi à attraper jusqu'ici. Répandant l'odeur âcre de la chimie. La souris morte, une petite flaque de vomi devant son museau. Stéphane n'avait pas eu de mal à reconnaître l'esctasy du sac. Les smileys et les étoiles rouges révélaient même leur nature exacte. Et le numéro qui brillait toujours. Derrière lui, la porte de son magasin était restée ouverte. Il éteignit son portable et prit sur lui de fermer à clé son bouclard. Merde. Qu'est que c'était encore que ce foutoir ? Il regarda son téléphone et se décida à admettre que ce serait une mauvaise idée que d'appeler du renfort. Il retourna dans l'arrière boutique avec un chiffon noué sur son nez et sa bouche et balaya les cachetons oxydés dans un sac poubelle. Puis il prit un autre paquet de cachets médicaux et les examina. C'était de la morphine. Il poussa les autres paquets et comprit que la personne s'était introduite par le maillon faible de son établissement. La porte standard, deux verrous qui donnait sur la coulée verte. Elle était là, bien refermée, mais le bois avait giclé lorsque les coups lui avaient été portés. Des débris de bois de la menuiserie du pas de porte jonchaient le sol juste à son aplomb. Il n'avait jamais pensé qu'on puisse vouloir entrer ici. Il n'y avait rien à voler. Si ce n'est un balai, une serpillière et de produits d'entretien. Sa sécurité commençait à la porte suivante. Celle séparant l'arrière boutique du magasin proprement dit. Cela s'avérait une erreur. Quelle merde. Quelle merde cherchait on encore à le couvrir ? Il ouvrit la porte et vit les joggers du midi passer le long de la coulée verte. De droite et de gauche les gens se foutaient complètement de sa vie. Il en fut rassuré. Il regarda de plus près les abords de la porte. Rien non plus. Pas une trace de pas franche. Le sable calcaire avait été balayé par contre. Le type n'avait donc pas agi dans l'urgence. Il avait prémédité son acte. Et effacé ses traces. Stéphane referma la porte du mieux qu'il pouvait et posa son balai en force pour éviter toute nouvelle intrusion. C'était peut-être vain mais cela le rassura l'espace d'un instant. Il souleva son masque de fortune et constata que l'odeur avait disparue. Par la porte d'entrée ouverte de l'arrière boutique il vit une personne tenter d'entrer dans le magasin. Il se cacha et attendit quelques secondes. D'où venait cette merde ? Et surtout, qu'est ce qu'elle foutait chez lui ? Il lui fallait des réponses. Il posa ses fesses devant son écran et ouvrit son carnet d'adresses. Il fit défiler les noms, les numéros de téléphone, les courriels, sans pour autant y chercher une porte de sortie . Ni même une porte d'entrée. Ceux à qui ils avaient besoin de parler se divisaient en deux. Se résumaient même à deux noms. Favreau. Diakité. Le commissaire. Le dealer. Il tourna la tête vers son arrière boutique et regarda sans réfléchir les sachets qui y étaient . Une bonne dizaine. Treize exactement. En parfait état sauf un. Cela lui donna du grain à moudre quant à leur présence. Un gars qui se savait serré et qui avait forcé sa porte comme il aurait pu en forcer une autre. Vu les cachetons, il imagina sans difficulté un dealer. Ou un toxico. Un de ceux qui alternait hôpital, Charbonnier, et la rue. Un type pas tout seul dans sa tête mais suffisamment intelligent pour imiter la signature d'un toubib et voler un bloc d'ordonnance. Cela lui ouvrait une autre possibilité. Karim. - Vous êtes bien sur le portable de Karim Jaïsh laissez moi un message et je vous rappellerai dès mon retour. Il hésita un instant puis raccrocha sans laisser de message. De toute façon ce n'était qu'un petit aide soignant. Cela risquait plus de l'emmerder qu'autre chose. Il retourna dans sa base de données. Il n'y avait pas de médecin. Ainsi revint il vers les deux seuls noms qu'il s'imaginait pouvoir l'éclairer. Favreau. Diakité. Il était sûr de les trouver. Il était sûr qu'ils en sauraient plus que lui. Il était sûr qu'ils lui feraient payer. Un client passa en faisant de l'ombre avec ses mains contre la baie vitrée. Puis passa son chemin. Il se leva et fit descendre le rideau de fer. Ensuite il prit une de ses bâches qu'il vendait pour couvrir les remorques et emballa la dope dedans. Puis il prit la direction de l'horloge. Mieux valait faire appel à Favreau en dernier recours. Pas qu'il ne doutait que l'homme saurait faire la différence. Mais plutôt que l'institution qu'il représentait en était incapable. Il lui fallut à peine un quart d'heure pour se retrouver sous l'horloge. Le soleil avait disparu et la nuit s'annonçait. Il était déjà un peu plus de cinq heures du soir. Il vit cela comme un avantage. La nuit tous les chats sont gris. - Bah alors Peyroux, on fait le touriste ? Diakité le regardait avec amusement chercher d'où venait la voix. Il se décida à sortir des arcanes sous l'horloge et à venir vers lui. - T'as besoin de te détendre ? Stéphane n'avait pas envie de lui parler. Déjà il regrettait d'être venu. Si Favreau avait derrière lui un institution borgne, Diakité possédait une armée de crevard. Et c'était pire. Il le prit par la manche. A sa surprise, il se laissa faire. Cela n'annonçait rien de bon. Il aurait du prendre sa batte. - Qu'est ce que tu sais de ça ? Diakité tendit la main, le regard pétillant vers les sachets avant de la retirer encore plus vite. Il fit deux pas en arrière et s'apprêtait à le planter avant que Stéphane ne le retienne. Il n'eut pas besoin de reposer sa question. - Tu devrais savoir pour qui tu roules tonton. Un conseil. La prochaine évites de venir. Ça se passera pas sans sanction. Maintenant dégage. Stéphane regarda bêtement ses deux sachets alors que Diakité avait déjà complètement disparu. Conscient qu'il ne disait pas cela en l'air, il prit par la route de Montamisé pour rentrer chez lui, les sacs dans son caleçon.
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L’ANTIDOTE
Un regard sur la nuit
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