Stéphane voyait le jour se lever, assis sur la rambarde qui donnait sur la coulée verte, derrière son magasin. Il faisait frais. Le temps était aussi sec qu'il avait plu toute la nuit. Dans ses mains il tenait le sachet de dope qu'il avait amené à Diakité. Et il cherchait à comprendre. Qu'est ce qu'il y avait dans ce sachet qui pouvait pousser un type qui, pas plus tard qu'une saison auparavant, lui avait presque sauvé la vie ? Ce n'était qu'un sachet transparent avec des pilules blanches anonymes. Un cercle de couleur verte le fermait, comme ceux que l'on trouvait avant pour emballer ses légumes au supermarché. Un emballage industriel en somme. Digne d'un trafic bien huilé. Il n'avait pas pesé chaque sachet mais il était pratiquement sûr qu'ils faisaient le même poids. Bien que leur contenu puisse varier. Stéphane, sans oser trop y fourrer le nez avait relevé au moins cinq produits différents. Avec le même emballage. Du travail de pro. D'habitué. Certainement fait à la chaine. Par des petites mains. Quelque part à Medellín, Juarez ou Naples. La seule réponse qu'il avait pu trouver pour la réaction de Diakité, en fin de compte, après qu'il ne se soit décidé à appeler la police, c'était qu'il devait s'agir de la came d'une bande rivale de la ville. Probablement d'un autre quartier. Cela l'avait rendu légèrement parano depuis qu'il avait passé le Super U après que Diakité l'ait mis en garde. Légèrement relevant de l'euphémisme. Il était parano. Il planqua la sac dans sa veste et prit une dernière bouffée d'air frais avant de fermer sa porte de service non sans avoir jeté un coup d’œil alentour. Les flics n'allaient pas tarder. En fait il étaient déjà là. Ils attendaient bien sagement que le rideau de fer de son magasin soit remonté. La première chose qui inquiéta davantage Stéphane était qu'ils furent en civil. Ce n'était pas ce qu'il attendait. Pour un constat de cambriolage et l'enlèvement de la dope, il pensait que des agents de base auraient été mobilisés. Il leur ouvrit la porte et ils ne prirent pas la peine de se présenter. - Où se trouve t elle ? - Bonjour. - Oui. Bonjour. Alors ? Elle est où ? Les deux inspecteurs étaient nerveux. Et pressés. Stéphane ne chercha pas à les contrarier et les entraîna en deux secondes dans son arrière boutique. Le porte fermait mal et l'air qui rentrait était glacial. Comme leur voix. Surtout quand il s'approcha de la dope pour leur montrer les sachets et leur faire part de ses déductions. - Ne touchez à rien. Vous entendez. Ici c'est chez nous maintenant, ok ? Putain se dit il. Je suis tombé sur des cow boys. - Retournez faire votre business et fermez derrière vous. Nous enlèverons la marchandise une fois que nous aurons terminé notre travail et on ne passera pas par la grande porte. - Comme vous voulez. - C'est ça. On fait comme on veut. Stéphane leva les bras en signe de capitulation et ferma derrière lui. Il resta collé à la porte pour essayer de comprendre ce qu'ils se disaient mais il ne put qu'entendre le clic des portables en mode appareil photos. C'était devenu sacrément sérieux d'un seul coup. D'où venait cette dope pour qu'elle effraie un caïd et la police en même temps ? Putain se redit il. J'ai vraiment dû être une raclure dans une autre vie. Il soupira puis se décida à commencer sa journée. Mme Perrin était déjà pour son pain. Il lui choisit une baguette chaude et dorée comme elle les aimait. Elle lui sourit comme à chaque fois en échangeant leurs politesses. Puis le calme revint après que deux autres habitués soient venus prendre leurs viennoiseries. Il s'assit alors derrière son comptoir et regarda les gosses entrer dans leur lycée. Il disait les gosses mais la plupart devaient être majeurs pourtant. A croire qu'il se voyait comme un vieux de la vieille. A moins que ce ne soit leur insouciance dissonante avec ce qui se passait dans son arrière boutique qui lui fit penser comme ça. Quoi qu'il en soit, ce n'était pas eux qu'il redoutait, c'était le type qui n'arrêtait d'aller et venir devant son magasin. La trentaine musculeuse. Grand. Brun. Propre sur lui. Qui jetait immanquablement des coups d’œil vers lui à chaque passage. Merde. Et si c'était lui ? Si c'était lui qui avait déposé la dope ? Il le regarda plus précisément à son nouveau passage et crut voir un renflement au niveau des lombaires. Une arme ? Il n'hésita pas un seconde et frappa à la porte de son local. - C'est occupé , on vous a dit. - Y'a un type dans la rue, il lou... La porte s'ouvrit aussi sec. Et l'inspecteur vit comme Stéphane l'homme embrasser une femme en lui sortant un bouquet de fleurs de derrière son dos. - Oh le vilain garnement. Foutez nous la paix. Dernier avertissement. - Après on baisse le rideau, compris ? - Compris. Désolé. - Ouais, c'est ça. Désolé... Stéphane eut le temps de voir le ciel s’obscurcir et de constater que l'orange était en vogue quand les types réapparurent par la grande porte. Il n'osa bouger et ils vinrent donc vers lui avec la même dégaine de cow boys et leur regard arrogant. - Bon, c'est clean maintenant. Vous, vous venez demain à 8h00 au commissariat des Couronneries on prendra votre déposition et on vous donnera les papiers pour l'assurance. - Bonne journée. - Ouais. C'est ça.
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L’ANTIDOTE
Un regard sur la nuit
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