Le domaine du château de Curzay se trouvait à une petite heure du centre ville de Poitiers. Noé mit un peu moins. Les quelques ralentissements à la sortie de Poitiers en direction d'Angoulême puis Lusignan furent les seuls écueils routiers qu'il rencontra. Le reste fut un instant de détente après une journée difficile. Depuis 48 heures il avait délaissé une grande partie de ses obligations professionnelles pour aider son ami et à l'heure du débriefing hebdomadaire, la réunion avait été bien plus longue et mouvementée que prévue. Au delà des nécessaires recadrages qu'il avaient été obligés de réaliser, il lui était apparu à quel point il en avait marre. Tous ces projets, tout cet argent, toutes ces contraintes l'accablaient plus qu'elles ne le stimulaient. Ce qui arrivait à son pote n'était au fond qu'un moyen de ne pas prendre de décision quant à son avenir. Il allait bien falloir pourtant. Mais pour faire quoi ? En se garant sur le parking du château, il était encore plus las. Sa voiture garée, il se dirigea vers l'entrée du restaurant étoilé en rejetant une nouvelle fois ce qui l'attendait pour ne se concentrer que sur l'avenir immédiat de Stéphane. L'Audi Q7 de François Herbelin était en train d'être stationné par le voiturier ; ce qui signifiait qu'il était en retard d'une demi heure. Le temps de latence de personnalité comme ce multimillionnaire pictave lui permit ainsi de savoir dans quel état d'agacement il allait le trouver. Lorsque Noé l'avait contacté pour Stéphane en désespoir de cause, il était dans un jet privé qui le ramenait de Monaco son travail l’entraînait de plus en plus souvent. Ses multiples concessions lui avait ouvert les portes de l'import export automobile et les usines ukrainiennes l’obligation de voyages réguliers en principauté ou sur la Riviera. La crise actuelle du pays avait démultiplié ses allers retours. On le disait à cran et surmené. Après avoir emboîté les pas du garçon de salle qui le menait à lui, il se demanda même s'il ne faisait pas cela par acquis de conscience. La situation de Stéphane était désespérée et la machine judiciaire semblait implacable à son égard. Autant de refus allaient dans ce sens. Comme la célérité avec laquelle le juge d'instruction avait prononcé son déferrement. Il y avait certainement des choses qu'il ne savait pas. Que Stéphane ne lui avait pas avoué. Et un jour, ils devraient tout mettre à plat. En pensant cela avant de serrer la main tendue d'Herbelin, il eut alors la vague impression de remettre en question leur amitié. - Vous êtes presque à l'heure, M. Ouedraougo Devant l'attitude ouverte de son convive et son regard rieur, Noé ne put qu'esquisser un sourire et sortir une banalité sur les obligations professionnelles. Cela fit rire Herbelin. Il invita Noé à s’asseoir en face de lui un coupe de Saint Emilion Grand cru chambré l'attendait. Sa surprise face à cette attitude imprévue, le fit balbutier. - Je...Vous...Connaissez vous un avocat pénaliste ? - Eh bien ! Vous m'aviez dit que c'était une rencontre d'ordre privé, je ne m’imaginais pas que vous aviez tué quelqu'un ! - Non, non. Ce n'est pas pour moi. C'est pour un ami. - Qui est innocent. Devant une telle désinvolture et surtout l'air sardonique d'Herbelin, Noé ne sut pas l'espace d'une seconde s'il devait rire ou quitter la table. Cela dut se voir et Herbelin leva la main en signe d'apaisement et adopta une posture plus proactive comme un ton plus en rapport avec ce que Noé connaissait de lui. - Je blague, détendez vous. Bien sûr que je connais un avocat pénaliste. Il fit glisser une carte de visite parcheminée et manuscrite figurait le nom d'un cabinet basé à New York, un nom à consonance slave et un numéro à l'indicatif français. Il prit le temps de regarder cet objet et constata à quel point le monde se rétrécissait pour une catégorie de la population. Il entra le nom et le numéro dans son iphone puis tendit la carte en remerciant Herbelin. Celui ci leva les mains avant qu'il n'ajoute quoi que ce soit d'autre. - Ne me remerciez pas. Dites vous simplement que je n'oublie jamais ce que l'on fait pour moi. Maintenant, passons à autre chose voulez vous, et dites moi plutôt si vous avez déjà goûté au carpaccio de homard de Grégory ?
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