L'appartement de Candice Jommen se situait dans la résidence Rivaud à quelques encablures du parc Blossac. Karim s'y était dirigé sitôt avoir quitté Mme Jommen. Ce qu'elle lui avait dit l'avait moins troublé que ce qu'elle avait laissé paraître. Une profonde inquiétude avait émané de ses traits lorsqu'elle lui avait affirmé qu'elle n'avait pas signé ce registre et qu'il s'agissait d'un faux. L'air sévère de Karim l'avait poussé sans qu'il lui demande à exécuter sa signature sur la photocopie et il n'avait pu que constater qu'elle disait vrai. Il avait alors coupé son portable et le regard de la cardiologue s'était encore plus creusé, son teint halé semblant disparaître un peu plus à chaque instant. Il semblait à Karim que son âge la rattrapait au fur et à mesure qu'il avait commencé à lui poser des questions sur les personnes à même d'imiter si proprement sa signature que seule elle et ceux qui la connaissaient suffisamment pouvait le remarquer. Son premier réflexe fut d'accuser Stéphane. Sans lui dire comment il le connaissait, il balaya d'une phrase ses soupçons et orienta son interrogatoire vers ce qu'il pressentait. Le prénom de sa fille vint juste après que les larmes commencèrent à couler sur ses joues. La vie chaotique de la cardiologue s'échappa sans discontinuer de sa bouche sans qu'il ne puisse rien faire d'autre que d'écouter. Tout avait commencé par un divorce et des positions intenables puis un crédit immobilier devenu trop lourd à assumer, enfin un loyer que, seule, elle ne pouvait que difficilement tenir et aussi la nécessité de garder les apparences intactes, enfin le souhait de sa fille de l'aider coûte que coûte. Alors peut-être... Il lui avait ainsi demandé l'adresse de sa fille et il avait entendu sa réponse comme une confession. La résidence Rivaud dominait les hauteurs du faubourg Saint Cyprien et de la Boivre, donnant à l'exacte opposé de la maison de Carole Jommen. S'y garer y était facile, un parking de 7 niveaux en composant les soubassements. La résidence autre fois huppée et moderne avait quelque peu vieilli. Les dalles en grès commençaient à se desceller et les bureaux locatifs était pour moitié inoccupés. Il crut au final voir plus de touristes que de résidents arpenter la cour intérieure à la recherche du centre ville ou du parc Blossac. Il réussit à s'orienter seul après quelques minutes et constata au moment de l'emprunter que l'ascenseur desservant l'étage de Carole Jommen était hors service. Il prit alors un escalier de service aux marches hautes et en colimaçon sur les trois étages qui le séparait de l'appartement de celle qu'il voulait voir. L'escalier était si exigu qu'il en avait presque le vertige en le quittant. Il alluma la lumière dans le couloir et se dirigea vers la porte de l'appartement 327. Quand il fut à quelques mètres de la porte, il crut percevoir des éclats de voix. Ceux d'un homme mûr et d'une jeune femme. La femme semblait hystérique et l'homme résolu. Au moment de sonner, il ne savait toujours pas si cela venait de l’appartement de Candice Jommen ou de celui d'en face. Il sut après avoir enclenché la sonnette. Le calme qui lui répondit le fit frissonner. C'est un homme qui ouvrit la porte. Grand, les cheveux poivre et sel, Karim aurait juré voir un des ses playboys sur le retour que l'on voyait lors du festival de Cannes. Il le salua d'un signe de tête et sans même bouger lui indiqua de se pousser sur la droite pour qu'il puisse sortir. Karim le regarda se diriger vers l'escalier et disparaître sans qu'il ne sache s'il s'agissait bien de l'homme à la voix déterminée. Il frappa au montant de la porte restée ouverte et s'annonça avant d'entrer. Après un petit couloir était accroché des vestes et des châles au dessus de plusieurs paires de ballerines, Karim déboucha dans la salle de séjour les murs semblaient difficilement contenir les meubles entassés de façon disparates autour d'un sofa trop grand et d'une télévision trop petite. Les sanglots qui l'avaient poussé à entrer sans l'autorisation de la locataire l’entraînèrent vers ce qu'il devinait être la chambre dont la porte donnait à gauche du sofa. Quand il frappa contre elle, les sanglots semblaient s'être arrêtés. Il tenta alors une timide annonce. - Candice ? C'est Karim, on s'est vu à l’hôpital. Est ce que je peux entrer ? Karim attendit quelques instants qu'un quelconque bruit ou qu'un assentiment lui permette d'entrer dans la chambre. Il ne perçut qu'un bref mouvement ; comme si Candice changeait de position pour attraper un objet trop loin d'elle. Il l'appela à nouveau aussi doucement que possible sans qu'elle ne réagisse. Il décida alors d'avancer dans la pénombre de la chambre. De ce que la lumière lui permettait de voir, le désordre régnait dans tout l'espace. Les draps étaient froissés sur le lit une couette était roulée en boule au pied. Par terre, des vêtements jonchaient le sol aux côtés de paquets de cigarettes vides et de restes de repas séchés. Sur le mur du fond, un bouddha le regardait, un sourire bienveillant sur les lèvres. Il chercha un instant pouvait se tenir Candice quand il entendit quelque chose fendre l'air. Il n'eut que le temps de protéger son visage de ses avant bras avant que la lampe de chevet ne vienne tenter de lui ouvrir le crâne. Sans réfléchir, il désarma Candice de l'objet devenu arme tranchante et la poussa à la renverse. Elle tomba sur le lit et son air effrayé accentuait encore la fatigue de ses traits. Karim leva les bras comme pour dire qu'il ne lui voulait aucun mal et les sanglots revinrent instantanément. Il se dégagea un passage parmi les débris de la lampe, les vêtements sales et la nourriture et vint s’asseoir à ses côtés sans qu'elle ne réagisse. - Je suis pour vous aider, Candice. Qu'est ce qui vous met dans cet état ? Ses sanglots étouffaient ce qu'elle était en train de marmonner. Karim comprenait qu'elle était en état de choc. L'homme qui venait de le précéder avait réduit à néant le vernis qu'elle avait su conserver lors de leur première rencontre. Il décida de la faire réagir. - C'est vous n'est ce pas ? C'est vous qui avez soulagé une dernière fois Jérôme ? Vous avez pris l'oxycontin dans le service de votre mère en imitant sa signature et vous les lui avez donné, c'est ça ? Pourquoi avoir fait accuser Stéphane quand il vous aurait suffi de faire de votre acte un simple suicide ? Pourquoi ? Les sanglots et le flots de paroles incompréhensibles s'arrêtèrent aussitôt. Les traits de Candice changèrent même du tout au tout, elle sembla retrouver tout l'aplomb qui devait être le sien avant. Et ses yeux brillèrent de la colère de ceux qu'on offense. Elle gifla si violemment Karim qu'il eut dut mal à ne pas partir à la renverse. - Je l'aimais, Monsieur. Savez vous au moins ce que c'est que d'aimer ? - Je vous demande pardon Candice. Sincèrement. Mais un innocent est actuellement incarcéré. A mon tour de vous demander ce que l'amitié recouvre comme réalité pour vous. Son aplomb disparut comme il était venu. Seul le silence resta entre eux deux. Candice redevint aussi brisée que peut l'être un corps dont le cœur n'est plus entier. Elle bascula sur le lit et se recroquevilla, à nouveau absente pour le reste de la terre. - Qui était cet homme, Candice ? Qui était l'homme avec vous ? - Mon père. - Et où est il maintenant ? Candice refit face à Karim dont l'impatience était maintenant palpable. Si elle perçut la tension de Karim, elle n'y réagit pas, ses yeux étaient presque éteints quand elle reprit la parole, la voix éthérée. - Vous croyez que vous pouvez l'atteindre ? Vous croyez vraiment que vous pouvez arrêter mon père ? - Ce que je veux c'est sortir mon ami de l'endroit il se trouve et si pour cela je dois retrouver votre père, il n'aura nul endroit je ne pourrai l'atteindre. Candice le regarda presque amusée et lui dit comme par défi ce qu'il ne voulait pas croire. - Il y a des endroits qui vous seront à jamais inatteignables, monsieur l'aide soignant.
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