La police avait interpellé Stéphane sur le parking du Super U de Buxerolles Saint Eloi alors qu'il venait de s'acheter une bouteille de jus de fruit et qu'il s'apprêtait à revenir chez lui pour visionner la deuxième saison des Peaky Blinders. A peine avait il eu le temps d'appeler Noé avant que les policiers qui l'avaient reconnu ne l'interpelle. Au final, son arrestation avait été discrète et les habitants, habitués à voir la police faire ce travail avaient à peine levé les yeux vers eux pour connaître celui qu'ils menottaient. Il n'avait pas résisté ou même tenté de fuir. Il connaissait les risques de sa profession. S'il avait évité ce genre de désagrément depuis qu'il dealait, cela tenait à sa façon de l'exercer depuis que Big O s'en était allé. Il ne vendait ni à la sauvette ni à la tête d'un réseau de mules. Il ne roulait plus qu'à vélo la majorité du temps. Et surtout, il ne sortait plus avec des barrettes de quoi que ce soit. Il était en quelque sorte devenu un cultivateur. Avec une clientèle de gens rangés et la plupart sans histoires avec lequel il s'assurait que sa générosité leur permette de garder le silence sur et qui il était si on leur demandait. Le bouche à oreille était son agence de pub et le placard de sa chambre son champ. Ses relations avec les autres dealers du quartier et de la ville avaient depuis été celle de l'ignorance réciproque de leurs activités et de leur identité. Il travaillait seul dorénavant. A défaut de faire autre chose, se disant que c'était une période de transition sans trop savoir où cela allait le mener. Aussi, alors que la voiture de police s'engouffra dans le parking souterrain, il ne voyait que la délation de son entourage pour expliquer ce qu'il pressentait comme un coup d'arrêt sérieux à son activité. Cela faisait maintenant deux heures que Stéphane était dans le hall du commissariat central de Poitiers et personne ne faisait plus attention à lui depuis vingt bonnes minutes. Les menottes qui retenaient ses poignets dans son dos commençaient à le faire réellement souffrir. Tout comme ses épaules et ses bras placés dans une position anormale. Chaque mouvement pour se redresser sur le strapontin il était assis le faisait souffrir davantage. Quelque fois le policier en faction derrière la main courante jetait un regard dans sa direction pour s'assurer qu'il restait à sa place et maître de ses nerfs. Bien qu'il ait passé en revue tous ceux qui connaissait de près ou de loin son activité, il n'avait pu trouver un quelconque comportement suspect chez eux qui expliquerait son arrestation. Il repensa aux 24 dernières heures, souvent le temps pour la police de passer à l'action pour ce genre d'interpellation, et se rendit compte qu'il n'avait en tout et pour tout mis le nez dehors qu'au moment de se faire interpeller. Le dernier client à l'avoir visité avait été Jérôme et il ne pouvait croire qu'il l'ait dénoncé. Il en était ainsi arrivé à la conclusion que quelqu'un avait trouver matière à redire sur son style de vie. Depuis la mort de Big O et compte tenu des séquelles qu'il lui avait laissé, il n'avait pourtant plus refait de soirées trop arrosées et l'alcool était pour les autres et plus pour lui. Il veillait à aérer discrètement son appartement et s'assurait toujours qu'aucun mégot suspect ne traîne aux alentours de la résidence où il logeait. Au final, seuls les allées et venues de ses clients pouvaient être remarquées. Et la connaissance précise des effets du cannabis sur le comportement humain était encore nécessaire pour y trouver trace d'une conduite reprochable. Cela ne laissait donc guère de possibilité quant à ceux qui pouvaient l’avoir mis dans sa situation présente. Au moment un policier en civil franchit la porte à double battant conduisant vers les salles d'interrogatoire du commissariat, il n'avait plus que deux noms en tête. Noé. Karim. Et cela lui donna la nausée. La salle on lui détacha ses menottes sentait le tabac froid, masquant difficilement l'odeur de sueur et d'excréments qui imprégnait tout l'environnement. Aucune ouverture ne permettait de chasser cette odeur. Le mobilier ressemblait à celui qu'il avait connu au collège, les gravures obscènes dans le bois friable de la table compris. Le policier l'invita à s’asseoir de l'autre côté de la petite table. Alors qu'il s'exécutait sans mot dire, Stéphane s'attendait encore à devoir patienter un temps trop long avant d'avoir enfin le fin mot du piège dans lequel il était tombé. Mais le policier resta dans la pièce une fois la porte refermée sur le brouhaha de la salle centrale du poste et ses premières paroles firent s'effondrer le film qu'il s'était fait depuis deux heures. - Quand as tu vu Jérôme Clairvoie pour la dernière fois et qu'est que tu lui as vendu ? - Je ne vois pas de quoi vous parlez inspecteur - Allons Stéphane, tu permets que je t'appelle Stéphane ? - … - Stéphane, on te connaît , on sait qui tu es et ce que tu fais, on n'est pas dans un film et je te rappelle que la scène se joue en France. Pas de coup de fil à ton avocat avant 48 heures minimum et les conneries sur le silence ça n'a pas cours pour les citoyens de la République mon grand, alors essaie de ne pas te faire perdre trop de temps. Qu'est que tu as refourgué à Jérôme Clairvoie ? - Pourquoi ? - Parce que ça ne lui a pas fait de bien.
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