Karim attendait dans le salon de la villa de la famille Jommen depuis plus d'une demi heure. Arrivé à la villa un peu trop tôt , il patientait devant les fenêtres du salon principal du rez de chaussée. D'un simple regard il embrassait tout le plateau pictave depuis la colline de la rue du faubourg Saint Cyprien. Le soleil donnait une teinte phosphorescente à la chlorophylle du Parc Blossac, à la limite de son horizon. C'était magnifique. L'espace de quelques instants il rêva pouvoir vivre dans une telle atmosphère. Le vie devait y sembler moins monotone. Le vrombissement d'un aspirateur le tira de sa contemplation et le fit migrer sur l'un des canapés aux boiseries ouvragés le temps que la femme de ménage accomplisse son travail. Le son sourd de la machine qu'elle poussait devant elle le ramena à ce qu'il était venu faire ici. A la fin de son service, Karim s'était rendu dans le service de Carole Jommen, dans un bâtiment satellite de l'hopital. Elle y était l'une des principales médecins et y disposait d'un statut de référence. Sa réputation la présentait comme une femme affable et empathique à des lieux du commun des chirurgiens. On racontait qu'elle prenait souvent plusieurs heures avant une opération avec ses patients. Elle jouissait ainsi d'une cote de sympathie auprès de ses équipes faisant d'elle une intouchable. Cela avait compliqué la mission que s'était fixé Karim. En entrant dans le service quelques heures plus tôt, il avait pu constater tous les points communs qu'il avait dans l'aménagement et l'organisation avec le service il officiait. Seuls les équipements et les sols trahissaient une plus grande jeunesse des murs et des matériels. Sa présence ne troubla personne, une aide soignante lui adresse un bref sourire interrogateur qu'il renvoya en pointant du doigt la pharmacie, une ordonnance à la main. Sa tenue blanche servait de pass et l'ordonnance qu'il avait subtilisé dans son service, bien que vierge, justifiait sa présence sans que qui que ce soit ne lui demande rien. Après un rapide coup d’œil sur la porte était inscrit la répartition des drogues, Karim avait ouvert le première des armoires et descendu jusqu'au dernier tiroir, celui des morphiniques. Une infirmière était passée à cet instant et lui avait demandé s'il avait besoin d'aide. Il lui avait simplement répondu que non, qu'il s'en sortait sans qu'elle insiste davantage ni ne remarque son trouble. Une fois qu'elle se fut éloigné, il prit le registre des stupéfiants posé sur le casier fermé à clé qui les renfermaient et l'ouvrit à la date d'avant hier. C'est là qu'il avait pu voir ce qu'il manquait. A la fin de son service, il n'avait eu aucun mal à connaître l'adresse du Docteur Carole Jommen. Quand il l'avait jointe au téléphone, elle s'était montré comme la rumeur la présentait. Douce et affable. Karim crut presque à sa douleur lorsqu'il lui avait dit que sa fille avait oublié de prendre une partie des affaires de Jérôme Clairvoie. C'était ainsi à son invitation qu'il se retrouvait dans le salon principal d'une des plus belles maisons de ce côté de la ville. Quand la femme de ménage eut terminée son office, il entendit des bruits de pas faire craquer le parquet des marches de l'escalier d'où Carole Jommen lui avait dit, il y a un bon quart d'heure qu'elle finissait de se préparer. Sachant qu'elle ne tarderait pas à arriver, il composa le numéro de Noé s'assura qu'il ne répondait pas et, quand le bip de sa messagerie retentit, il verrouilla l'écran de son smartphone et le posa sur la table de salon à l'arrivée de son hôte. Sa fille était son portrait craché. Seul leur différence d'âge faisaient d'elles des êtres dissemblables. Sa chevelure rousse avait perdu en intensité et sa peau était marqué maintenant de quelques ridules aux yeux et à la commissures des lèvres comme sa poitrine était maintenant un peu plus abondante. Pour le reste, ses yeux étaient d'un vert aussi marin et son regard d'une même douceur. Elle lui tendit la main et engagea tout de suite la conversation. - Merci d'être venu Monsieur Jaïsh, cela sera moins dur pour ma fille. - Je vous en prie. Elle m'a paru particulièrement secouée, je me suis dit la même chose. - C'est vrai que tout cela est atroce. Ils avaient prévu d'emménager ensemble vous savez ? Et...enfin ce qui compte c'est que justice soit faite le plus vite possible maintenant. Pour elle. - Et pour lui. Karim crut apercevoir en réaction à ses derniers mots un léger voile obscurcir le regard de son hôte. Elle ne soutint pas son regard et se réinstalla dans son fauteuil en cuir, comme si la position ouverte et bienveillante qu'elle lui avait montré n'était plus adaptée. Renfoncée dans le fauteuil, son regard revint vers lui. - Oui, pour lui aussi. Qu'est ce que ma fille a oublié ? Je suis attendu à un brunch et... Elle s'interrompit en voyant Karim déplier ce qu'elle reconnut aussitôt comme une feuille d'un registre médicamenteux. Karim vit une forme de peur émaner de son corps quand il posa la feuille sur la table le doigt posé à la perpendiculaire de sa signature, juste à droite des doses d'oxycontin qui avait servi à tuer Jérôme Clairvoie. Karim retira son doigt et poussa un peu plus son smartphone vers elle. Elle prit la feuille entre ses mains et le rapprocha d'elle. Son expression trahissait une surprise que Karim eut pu croire sincère s'il n'avait lui même apporté la preuve du contraire. Le téléphone sonna dans une pièce voisine et la femme de ménage appela Carole Jommen. Elle reposa la feuille sur la table et la poussa jusqu'à Karim puis le regarda avec la même expression stupéfaite en répondant à la femme de ménage qu'elle était occupé. Ce qu'elle dit alors défiait toute logique.
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