Le restaurant de l'aéroport de Poitiers-Biard ne ressemblait en rien au dernier qu'avait visité Noé. Coincé au sommet d'une tour presque identique à une tour de contrôle, il ne trouvait son charme que dans les baies vitrées à 360° et une vue directe sur la piste de décollage. La table qu'il occupait se trouvait côté piste et il attendait en regardant les manœuvres d'un moyen courrier de la RyanAir. Cela faisait maintenant un bon quart d'heure qu'il attendait et il ne pouvait lâcher son téléphone portable, hésitant à l'appeler pour savoir si son attente durerait encore longtemps. A chaque fois il réprimait son geste, conscient que l'homme lui faisait déjà une fleur. Il avait réussi à le joindre sitôt qu'il eut pris connaissance du message de Stéphane. Le son étouffé et le débit saccadé ne ressemblant en rien au comportement habituel de son ami, il avait décidé de prendre contact avec Herbelin. encore, il ne pouvait que penser que l'enfermement et les conditions de celui ci faisait dérailler son ami. Aussi avait il fait cela afin d'avoir des arguments pour rassurer son ami et tempérer ses angoisses. Car il était sûr qu'il était entre de bonnes mains. Noé connaissait peu Herbelin mais il savait ce qu'il fallait en savoir. Un homme d'affaires avisé qui avait su saisir les opportunités quand elles s'étaient présentées et qui s'était toujours entouré des bonnes personnes. Il ne doutait pas une seule seconde que cela ne soit pas le cas pour une fonction aussi crucial que sa propre défense. Le message de Karim l'inquiétait bien davantage. Il portait de graves accusations contre un homme qui n'avait fait que rompre avec une femme qui, semblait il était bien moins équilibré que ce que la presse le laissait entendre. Il savait d'expérience que les coups bas étaient une pratique naturelle après qu'un divorce soit prononcé. Il soupira en regardant l'avion mettre les gaz pour rejoindre Barcelone et chassa les souvenirs de ceux qui ne s’aiment plus quand son téléphone lui signala un appel entrant. C'était Karim. Il allait prendre l'appel lorsque François Herbelin l'interpella. - Bonjour, M. Ouedraougo, désolé pour le retard mais vérifier un avion peut quelque fois prendre un peu plus de temps que prévu - Vous partez ? - Dès notre entrevue terminée, les choses bougent enfin en Ukraine et ma présence est nécessaire sur le Rocher. Dites moi plutôt ce qui me vaut notre rencontre ? - Rien de très important certainement. A vrai dire juste une confirmation. - Si je peux je vous la donnerai. - L'avocat que vous m'avez conseillé à déjà traité ce genre d'affaire n'est ce pas ? - Bien sûr. - A t il déjà perdu ? - Évidemment. Personne n'est parfait. - A t il déjà gagné un procès par contre ? - Comment ça ? - A t il jamais réussi à obtenir un acquittement ? - Vous me posez une question à laquelle je n'ai pas la réponse. Mais je peux vous assurer que son cabinet pourra vous la donner. Appeler M. Scofield à ce numéro et il se fera une joie de vous donner le palmarès de M. Javicevic. - OK. Je vous remercie. - Bien. Je suis désolé mais je vais vous laisser manger seul. Le devoir m'attends. - Juste une dernière chose, M. Herbelin. François Herbelin arrêta de se lever et son sourire parut forcé quand il invita d'un geste Noé à lui exposer cette dernière chose. Noé activa le haut parleur de son smartphone et lança la lecture du message de Karim il était question de son rôle dans la fin de Jérôme Claivoie. Herbelin ne cilla pas lorsque son nom était évoqué par sa femme. Il resta même étrangement serein une fois que Noé eut éteint son smartphone. Quand il leva les yeux vers lui, Noé ne perçut rien d'autre qu'une grande lassitude. De sa voix n'émanait qu'une infinie compassion. - Laissez moi vous montrer quelque chose Noé, vous mangerez après, je vous le promets. Noé emboîta le pas d'Herbelin et le suivit jusqu' aux hangar de l'aéro- club . Ils traversèrent le hall d'embarquement maintenant désert et s'arrêtèrent deux fois Herbelin serra la main des agents de sécurité en leur expliquant qui était l'homme avec lui. Les regards des agents ne laissaient aucun doute sur leurs qualités de physionomistes et Noé se sentit presque encore observé, une fois les grilles de l'aéro-club franchies. L'avion d'Herbelin affichait le double R entrelacé de Rolls Royce sur le capot moteur blanc immaculé et l'odeur particulière du kérosène émanait de lui comme la sueur d'une pierre trop chaude. Herbelin l'aida à monter dans le cockpit et sans rien toucher aux commandes se tourna vers lui. - Qu'en pensez vous Noé ? - C'est un bel engin. - Je trouve aussi. Je l'ai acheté comptant. Un achat aussi pratique que nécessaire. Vous savez, passé un certain niveau, les apparences sont bien moins futiles que l'on veut bien le croire. - Je ne me suis jamais posé la question pour être honnête. - Ce que je veux dire, c'est que pour être respecté votre richesse a besoin de signes extérieurs, vous comprenez ? - Je ne suis pas sûr. - Peu importe. Ce que je veux dire, c'est que les castes existent, M. Ouedraougo. Et l'ascenseur social est un conte pour enfant, comme...comme le Père Noël - Pardon ? - Croyez vous que j'allais laisser un handicapé au RSA devenir l'égal de l'héritière de la plus grosse fortune de Poitiers ? Noé sentit son sang virer à l'eau glacée. Son cœur sembla s'arrêter de battre. Herbelin, lisant la terreur dans ses yeux, se mit à rire. Quand Noé tourna la tête vers les marches pieds en se demandant s'il aurait la capacité à échapper à Herbelin, il vit les agents de sécurité se démener précipitamment pour ouvrir la grille de l'aéro- club. En arrière plan les gyrophares de la police étaient semblables à des vers luisants branchés sur courants alternatifs. Le temps qu'il sorte de sa contemplation atterré, l'avion roulait déjà et Herbelin fermait le cockpit. Noë sentit la fureur le gagner. - Vous ne vous en tirerez pas, Herbelin. Vous êtes un homme mort. La vérité ne pourra rester caché. - Oh mais bien sûr. Ma vérité, celle d'un dealer qui à tué pour ce que la vie avait donné en réparation à un homme abîmé par la société. - Vous êtes fou. - Non, simplement puissant. - Alors, vous connaissez mal la rage de ceux qui n'ont plus rien à perdre. - Vous parlez de votre ami le dealer ? - Exactement. vous ne savez pas à quel point il sait être résistant. - Vous croyez ? A l'heure qu'il est, il doit déjà être mort.
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