Alors que Noé et Karim franchissaient l'entrée de l'espace VIP de la salle Philippe Chatrier , le PB 86 venait de subir sa onzième défaite de la saison et la salle se vidait dans une sorte de frustration empreinte de résignation. Depuis trois saisons maintenant, le club de sport phare de la ville peinait à survivre dans l'antichambre de l'élite du basket français. Bien que leur entraîneur soit champion d’Europe en titre avec l'équipe de France et que plusieurs joueurs aient évolué en Pro A, le club ne faisait que décevoir. La grogne n'était pas celle du voisin limougeaud et les pictaves étaient plus enclin à y voir une raison de se satisfaire de ce club sorti de nulle part il y a 5 années que de maugréer contre un classement inadéquat. Cependant force était de reconnaître que se posait de plus en plus la question de la survie d'un club qui ressemblait davantage à une étoile filante qu'à une entreprise pérenne. C'était ainsi que Noé l'avait ressenti la dernière fois qu'il avait partagé deux ou trois coupes de champagne avec les principaux sponsors du club. Une forme d'inquiétude semblait régner quant à l'avenir du club. Et bien que le Crédit Populaire n'ait aucun lien avec le club, cela l'attristait indéniablement. Nombre d'événement basket avaient vu le jour avec la naissance du club et Poitiers vivait au rythme de la balle orange tous les étés avec le tournoi de streetball, l'urban PB. Karim, Stéphane et lui y avaient participé à deux reprises avant que celui ci ne propose des qualifications départementales et les exclut plus ou moins de fait des sélections. C'était néanmoins une fête populaire qu'ils ne loupaient pas depuis sa création. Alors que la saison régulière du club touchait à sa fin, et que les play offs s'éloignaient chaque journée un peu plus, la perspective d'un événement local semblait être la seule source de réconfort pour les basketteurs présents dans l'assistance. En rejoignant le buffet, ils se demandait d'ailleurs si Stéphane accepterait de s'inscrire au tournoi. Cela faisait deux ans qu'ils se contentaient de matchs informels et plus de dix années qu'ils ne participaient plus à aucun championnat. Lui comme Karim se sentaient l'envie de participer à une compétition. Ils envoyèrent un sms à Stéphane pour lui faire part de leur situation privilégié et lui posèrent la question à brûle pour point. Il regardèrent ensuite Carl Ona Embo, le meneur vedette de l'équipe expliquer ce qui leur avait manqué pour venir à bout du club monégasque et enfin virent le parrain de la soirée affirmer que malgré les résultats en dents de scie du club, son entreprise lui assurait un soutien sans faille. Noé reconnut le directeur général des principales concessions automobiles de la ville au moment un médecin commençait à expliquer en quoi le dépistage du cancer colorectal était une cause national et un sujet d'intérêt publique. Il se faufila entre les piques assiettes, et les tables aux petits fours trop secs pour aller le saluer. Il laissa Karim en train de se frayer un chemin vers la sortie alors que l'hopital l'avait rappelé et se dirigea jusqu'au concessionnaire. L'homme avait les cheveux courts et argentés, le teint halé et des yeux d'une rare perspicacité. Noé savait qu'il partageait son temps entre Poitiers et la Côte d'Azur il nouait des contacts économiques de premier plan. C'était un homme très occupé et particulièrement dur en affaires. Issu de la ville il en connaissait les décisionnaires et les acteurs. On disait qu'il mangeait toutes les semaines avec le maire. Sa présence ce soir relevait d'ailleurs de l'exception. Il préférait la plupart du temps laisser ces obligations aux jeunes cadres plus enclin à succomber au strass des privilégiés pictaves avec qui Noé avait traité une ou deux fois lors de l'ouverture de leur dernière concession. Si le Crédit Populaire n'avait pas été retenu, Noé savait l'importance de ne pas se faire oublier d'une telle personnalité. Il franchit une dernière ligne de convives et réussit à attirer son attention. - Je crois que nous avons assisté à la naissance d'un grand club et à la faillite du basket à l'ancienne - Vous croyez ? Les ukrainiens ne cherchent pas à investir dans le basket. Attendez qu'ils montent un club de hand - Attendez que Parker et les autres remportent le titre sur nos terres L'homme le regarda avec ses yeux délavés comme s'il venait d'être victime d'un crime de lèse majesté. Devant le sourire impertinent de Noé, les ridules ensoleillés de ses yeux se plissèrent et son rire de nabab éclata avant qu'il ne porte sa coupe de champagne à ses lèvres. - Vous êtes basketteur ? - Je le serais toujours - Alors vous devez être déçu, non ? - Vous savez, tant que la ville entretiendra les terrains d'extérieur, je crois que je survivrai - Je ne manquerais pas de le signaler au maire. Vous êtes ? - Noé Ouedraougo. - Oui. Le Crédit Agricole. J'ai vu que vous avez fait la une des journaux. Drôle d'histoire. - Oui, en effet. Nous avons évité le pire, c'est l'essentiel. - Le credit n'avait pas mis d'argent ? - Aucunement. - Je vois que vous êtes toujours aussi frileux. - Nous savons raison garder. - Ce doit être pour cela que vous êtes banquier. Noé s’apprêtait à lui rappeler l'investissement du Crédit Populaire dans sa première concession quand l'homme se détourna. Son smartphone vissé à l'oreille, il le salua d'un revers de main, déjà ailleurs. Noé resta quelques instants sans rien dire, le regardant s'éloigner en se disant qu'il ne serait décidément jamais à l'aise avec ce genre de personne quand son portable vibra. C'était Stéphane. Il prit l'appel. - Alors ok pour un revival de la fine équipe ? - Hein ? De quoi tu parles ? - De mon sms - Pas vu. J'ai un service à te demander. - Qu'est ce qui t'arrive ? - Je vais me retrouver dans la merde.
2
chapitres
1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17
<<
>>
L’ANTIDOTE
Le coût du sang
Depuis 2017
ALC Prods