Stéphane n'avait eu droit qu'à une dizaine de minutes de sortie dans la cour aux murs plus hauts que tous les bâtiments de Poitiers. La chaleur et l'odeur y avaient été si suffocantes qu'il avait demandé à revenir en cellule. Cela faisait maintenant un peu plus de 4 jours qu'il n'avait pas dormi. En arrivant à sa cellule, il s'attendait encore à devoir prendre des coups. L'avant veille son co détenu lui avait demandé son matelas car le sien est trop fin. Il avait refusé. Et pris un coup si violent dans l'estomac qu'il avait cru voir son œsophage ressortir de sa bouche. La bile lui avait laissé un goût si acide dans la bouche qu'il avait vomi encore davantage jusqu'à ce que plus rien ne puisse sortir. Il était vidé et sec et avait se carapater à même le sol pendant que l'autre entassait son matelas sur la paillasse superposée. Quand le gardien était venu pour l'emmener en salle de visite le lendemain pour qu'il y rencontre l'avocat que Noé lui avait présenté comme une pointure, il aurait été incapable de dire si le jour s'était levé, ni même la date exacte de ce jour. La rencontre avait été brève. A peine une demi heure. Il avait exposé à Stéphane tout ce qui le reliait à Jérôme Claivoie, et aussi le stock d'Oxycontin trouvé à côté des sachets de billets qu'il entassait dans son placard, derrières les plans de cannabis. Il lui avait dit que les numéros de fabrication présents sur la tablette des oxycontin qui avaient tués Jérôme Claivoie étaient les mêmes que ceux qu'ils possédaient. Il lui avait dit que la présence des plans de cannabis était une circonstance aggravante. Et que les traces du commerce de ceux ci la pire chose qu'un juré comprendrait. Il lui avait ainsi dit qu'il ne tenterait rien d'autre que de réduire sa peine et de le transférer dans un centre de réinsertion après une peine plancher qu'il espérait inférieur à 15 ans. Stéphane n'avait pas osé prononcé le moindre mot. Sans savoir exactement pourquoi, il s'était résigné. Lui dire la vérité lui semblait complètement inutile tant il avait semble t il déjà tout organisé pour le défendre au mieux. La confiance qu'il avait en son ami acheva sa volonté et il quitta la pièce en suivant le maton qui tenait ses chaînes en ne pouvant penser à autre chose que ce qu'il attendait. Une pièce sordide et trop petite avec un tortionnaire. Ce fut à cet instant qu'il comprit que sa seule solution était d'en finir. Son co détenu dut le sentir car il lui adressa un regard si pénétrant qu'il ne vit pas le sourire qui balafra son visage une fois qu'il eut baissé les yeux. Bizarrement il ne lui demanda rien. Ni sur ce qu'il avait fait ni sur qui il avait vu ni sur ce qu'il pouvait encore lui céder. Stéphane en avait profité pour se carapater à même le béton et avait fini par s'endormir dans le brouhaha infernal de la prison. C'est par un cri qu'il avait répondu à la gifle que son co détenu lui avait infligé pour le réveiller au milieu de la nuit. Le silence régnait presque dans la prison. Seuls quelques hauts parleurs déversait tout un tas de sons auxquels il ne prêtait déjà plus aucune attention. Stéphane s'était assis et machinalement éloigné de son voisin de chambrée en se bloquant dans un coin. L'homme était passé sous sa couche et s'était assis en tailleur face à lui. Il tenait quelque chose dans ses mains et regardait Stéphane en semblant réfléchir à ce qu'il devait faire de lui. Lorsqu'il prit la parole, sa voix vrilla l'esprit déjà démoli de Stéphane. - Il est bien ton avocat ? Je le connais tu sais, c'est un yougo. Enfin un ex yougo, il a eu la carte verte. Parle anglais maintenant ton baveux. Le type allongea ses jambes et continua à cacher ce qu'il avait dans les mains. Il regardait Stéphane et son sourire se faisait déjà plus grand. Comme s'il avait décidé que tout se finissait maintenant pour eux deux. Stéphane comprit qu'il n'avait plus aucune chance de sortir du piège qu'il lui tendait. Ce qu'il ne comprenait pas c'était la nature exacte du piège. Sa paranoïa était exacerbée par ce qu'il venait de lui dire. Et par le regard de son tortionnaire. Il lui apparaissait qu'il savait tout de lui, sans qu'il sache exactement comment cela était possible. Quand il reprit la parole, il se dit qu'il allait le tuer avant le lever du jour sans savoir exactement comment ni pourquoi. - Tu sais quoi ? Il n'a jamais gagné un procès ton gars. Fortiche, non ? Par contre il est très riche. Tu piges ? Non ? Bah c'est pas grave. Demain, c'est ton anniversaire. Il dévoila alors ce qu'il lui cachait depuis le début de leur échange et le déposa devant lui. L'acier du rasoir brillait presque sous la lumière jaune des veilleuses de la cellule. Il s'était ensuite levé avant de remonter sur son double matelas en lui disant adieu. Stéphane n'avait pas dormi jusqu'à ce que le maton vienne le chercher pour la promenade ni même touché à lame de rasoir. Il la retrouva au même endroit quand il revint dans la cellule. Il fut surpris de s'y trouver seul. Ce devait être un coup pour qu'il ne soit pas accusé de l'avoir tué pensa t il. Il regarda la lame. Il regarda son matelas sur celui de son tortionnaire. Il se demanda si cela était juste. Il repensa à ses amis. Il repensa à Jérôme. Il repensa à ce que l'avocat lui avait dit. Il repensa à ce qu'il savait du handicap de Jérôme. Il repensa à ce qu'il était. Il repensa encore à ce qui était juste. Et se sentit dans l'obligation d'un dernier geste. Sans un bruit, il prit son matelas et le fit tomber comme il put du lit superposé et éventra le matelas restant. Il prit alors le téléphone portable qu'il y trouva et composa le seul numéro dont il se souvenait et chuchota ce qu'il savait devoir être dit.
11
chapitres
1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17
<<
>>
L’ANTIDOTE
Le coût du sang
Depuis 2017
ALC Prods