Noë venait d'épuiser son carnet d'adresse. Son smartphone à la main, il continuait de faire glisser son pouce sur l'écran tactile sans qu'une quelconque solution n'y apparaisse. Il reposa l'appareil, inclina le dossier de son fauteuil et regarda par la baie vitrée de son bureau. L'affaire était mal engagée. Stéphane l'avait rappelé en début de mâtinée et tous les cabinets d'avocats avec lesquels il avait eu à travailler proposant aussi des services au pénal lui avait au mieux témoigné une condescendance bienveillante pour masquer leur refus, au pire laissé en attente suffisamment longtemps pour signifier qu'ils n'avaient même pas envie de l'entendre. Sans doute un retour de bâton de l'affaire Diakhité, pensa t il. Bien qu'il sache que cela nuirait forcément à son image auprès de ces personnes dont certains faisaient partie des notables de Poitiers, il n'avait pourtant pas hésité une seconde. Ce n'est que maintenant qu'il réalisait à quelle point sa demande relevait du procès piège. Sans doute avait il manqué de conviction compte tenu du chef d'inculpation. Tentative d'homicide volontaire. Il se leva de son fauteuil et alla saisir le ballon que lui avait dédicacé l'équipe du PB 86 l'année de leur montée en ProA et le fit tourner entre ses mains, le regard focalisé sur un endroit intérieur. Il avait beau tourner et retourner le problème dans sa tête, il ne pouvait imaginer une seule seconde que son ami ait intenté aux jours de quelqu'un. Son métier était certes peu conventionnel mais sa pratique et sa personnalité en faisant tout autre chose que de la vente de stupéfiants. Tout un chacun a besoin d'un exutoire, d'une soupape de sécurité. Et ce qu'il faisait était tout simplement garantir à ceux qui venaient le voir, le meilleur moyen d'en profiter. La personnalité de Stéphane et son attitude assuraient aux gens la confiance et le respect qui manquaient trop souvent dans le regard des vendeurs de plastiques postés aux rues mal fréquentées de la ville. Jamais il n'avait pensé aux ravages de cet exutoire jusqu'à cet instant. Bêtement, il se demanda si l'on pouvait tuer quelqu'un avec de l'herbe. Aussi, en plus de partager le même constat quand à la raison quasi philosophique de son commerce, il partageait aussi avec son ami une profonde aversion pour la violence ou toute forme d'escroquerie. Si bien que l'imaginer intenter aux jours d'une personne, quelle qu'elle soit et pour quelque raison que ce soit lui paraissait aussi crédible qu'un ovni dans le ciel pictave. Impossible. Il s'apprêtait à essayer une nouvelle fois de joindre les avocats de ses connaissances avec une rhétorique plus au point lorsque son portable vibra sur son bureau. Il le saisit et consulta le numéro avant de décrocher. Un numéro inconnu bien que non masqué. L'espace d'un instant il fut tenté de ne pas décrocher. Il savait que ce ne pouvait être que Stéphane. Le fait qu'il n'appelle pas avec la même ligne qu'en début de journée n'avait rien de rassurant. Il soupira, posa le ballon et décrocha. - Ouais. - C'est moi. - Je ne t'ai encore trouvé personne - C'est pas grave, je t'envoie le numéro d'un mec qui voudra - Pourquoi tu ne l'as pas fait plus tôt ? - Parce que tu n'aimerais pas connaître celui qui me l'as fourni - Bon. Ok. Qu'est ce que tu veux ? - J'ai eu accès au dossier. Il faut que tu appelles Karim - Pourquoi ? - J'ai le nom de la drogue que mon pote a pris - Je prends un crayon. Noë chercha sur son bureau son bloc de post it et renversa son pot à crayon en y prenant un stylo. Dans l'appareil il entendait des bruits de pas et de verrous qu'on ouvre ou ferme sans qu'il n'arrive à reconnaître le bruit déjà entendu du commissariat central. - Tu es où ? - Ils m'ont déféré. Je suis à Vivonne. - Comment ça se fait ? - Mon pote est mort.
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