Stéphane sentait la lame du poinçon triturer sa nuque. Sa peau exsudait une peur froide alors qu'il recopiait ce que l'homme derrière lui dictait. Et il comprenait chaque phrase et chaque mot. Chaque syllabe. Au fur et à mesure que son co détenu lui récitait ses aveux, le poinçon semblait s'enfoncer davantage. Il ne doutait pas de la manière dont tout cela allait finir. Lorsque la promenade s'était achevée, il y a peut être deux heures, l'homme avait reçu un coup de fil sur le téléphone portable dont Stéphane s'était servi. Bien qu'il murmura plus qu'il ne parla, la fatigue et la tension dont souffrait Stéphane lui avait permis de relier les derniers fils de son histoire. Et lorsqu'il avait entendu le bruit métallique du poinçon contre la tubulure de leurs lits, il avait su que son temps s'achevait. C'est en voyant le tatouage qu'il portait sur son biceps gauche qu'il avait compris tout cela. Une roue de Harley avec les trois points en bas à droite. Le même que le dernier client qu'il avait vu avant que la police ne vienne l'arrêter. S'il ne connaissait rien de lui, il le reconnaissait dans le comportement de celui qui allait le tuer. Un être rustre et antipathique sans une once d'humanité rémanente. Sans doute s'agissait-il d'un gang de durs à cuire fans de moto. Alors qu'il posait son stylo et regardait sa signature sans pour autant pouvoir s'y reconnaître, Stéphane se souvenait des fois adolescents, Noë Karim et lui projetaient de faire le tour du pays sur des Ducati rouge au moteur gonflé et il se prit à espérer qu'ils puissent le faire un jour sur leurs vieux jours. Une forme de mélancolie avait remplacé le stress qui ne l'avait pourtant pas quitté depuis que l'écrou de sa cellule s'était refermé derrière lui. Quand le type lui ordonna de se tourner il repensa à sa mère et se demanda si le paradis existait. Si Dieu existait. Et s'ils allaient se retrouver. Il pensa aussi à ce père qu'il n'avait jamais connu. Cet homme qui lui avait donné la vie et brisé le cœur de sa mère. Peut- être allait il le revoir lui aussi. Il ne sentit rien lorsque le motard commença à cisailler ses poignets. Il regardait simplement au dessus de son épaule et pensait à Jérôme. A Noé. A Karim. A son père. A sa mère. A tout ce qu'il avait fait de bien. A tout ce qu'il avait raté. A ce qu'il n'avait pas eu le temps d'accomplir. Quand le sang se mit à couler, chaud sur ses doigts, il dormait enfin.
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L’ANTIDOTE
Le coût du sang
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