C'est en cherchant le pedigree de l'entrepreneur censé se charger de la sécurité de Stéphane que Noé avait découvert des informations plus qu'intéressantes. Des informations qui lui avaient révélées les raisons profondes de son statut actuel. Bouchet, Herbelin, Fourcade, Doussens, tous étaient liés et tout était part d'une même volonté dictée par une seule loi. Le profit. Lorsqu'il était arrivé il y a moins de 24 heures à cette réalité, il s'était avant présenté à son nouvel établissement et les courbettes d'usage passées, il avait compris qu'on lui proposait plus qu'un placard en guise d'avancement. On lui refilait les cas désespérés. En moins de deux heures ses conseillers clientèles l'avaient sollicité plus de fois que durant toute sa carrière pour des litiges et des interdictions bancaires. Un calvaire. Il avait bien entendu aussi perçu beaucoup d'amusement et de défis dans ces demandes. C'était son baptême du feu, son bizutage et son épreuve d'entrée. Au final, il avait jaugé les demandes à l'aune de données qui ne laissait aucune marge de manœuvre à la controverse et vers les coups de midi, il avait enfin pu se consacrer à la demande de Stéphane. Il n'avait eu aucun mal à identifier Bouchet et l'information transmise, il avait pu constater à la réaction de son mail que quelque chose ne tournait pas rond. Et d'ailleurs lui non plus ne croyait pas un seul instant à la théorie de la seconde chance pour cet homme. Trop de casseroles. Trop de vice. Trop corrompu. Il avait alors cherché trace de ceux qui lui avaient permis d'ouvrir une agence de sécurité dont le capital était déjà estimé à plus de 500k€. Il avait découvert le front office d'une banque d'investissement ukrainienne spécialisée dans les affaires de sécurité, de lutte anti terroriste et de gardiennage. Elle précisait que la banque faisait aussi un transfert de savoir sans que soit clairement expliqué la nature exact de ce transfert C'est là qu'il était tombé sur Herbelin. La société immobilière de Herbelin était la propriétaire des locaux de WildCat quelque part dans la zone des portes du Futur. Et le nom des deux autres membres de la SCI d'Herbelin n'était autre que le CEO et le DRH de NoRisk Bank, les financeurs de Bouchet. Noé était bien trop réaliste pour n'y voir qu'une série de coïncidences ou le hasard. Il y avait collusion. En grattant du côté des investissements d'Herbelin, débloqués par Doussens et Fourcade, il avait noté que le parc immobilier se trouvait dans les quartiers populaires de Poitiers. Deux résidences aux Couronneries, une aux Trois Cités et enfin une prochaine à Saint Eloi. Déjà le registre du Commerce faisait état d'une croissance évaluée à deux chiffres pour la SCI. Cela représentait beaucoup, beaucoup d'argent. Et tout le monde était content. Lui, avait beaucoup trop de questions pour se contenter de se réjouir de leur renouveau. Quel lien existait il entre une agence de sécurité, une SCI et les activités illicites des amis de Stéphane ? Et surtout pourquoi ces personnages douteux gravitaient ils encore autour d'eux ? Bien qu'il aurait aimé qu'il en fut différemment, il sut rapidement qu'il n'y avait qu'une façon de trouver des réponses. Il chercha l'adresse exacte de la SCI et quitta les Couronneries avant la fermeture de l'agence, laissant ses collaborateurs à leur ragots. En arrivant devant les locaux de la boite d'Herbelin, jouxtant les bureaux du Crédit Mutuel à la lisière du rond Point ouvrant la zone Commercial des Portes du Futur , il avait reconnu Herbelin en train de parler avec un homme portant l'uniforme brun de WildCat. Son bureau était sans doute plus modeste que ceux qu'il avait connu par le passé et il lui sembla que son teint était moins halé lorsqu'il lui serra la main. Son visage portait les ridules des vieux beaux et son regard ne laissait aucun doute. Il était de retour. Ses dents blanches immaculés rappelèrent à Noé qu'il avait devant lui une espèce non répertoriée de requin, bien plus dangereuse que tous les poissons des 7 mers. - M. Ouedraougo ! Que me vaut votre visite ? - Je voulais savoir si vous aviez prévu d'éliminer Stéphane Peyroux cette année ou plus tôt ? - Voila qui est direct. Qui est cet homme ? - Celui que vous avez essayé de tuer il y a moins d'un an et que vous gardez. En disant cela, Noé pointa du doigt le gorille resté devant la porte d'entrée à les fixer d'un œil torve, les mains coincées dans sa ceinture ou brillait la crosse d'une matraque en acier trempé. Son ombre se projetait jusqu'à recouvrir les pieds de la chaise de Noé, comme un avant goût des ténèbres qu'il se refusait de voir. Quand Herbelin reprit la parole, sa voix était plus rauque encore que dans le bi place qui avait failli les tuer tous les deux. - Laissez moi vous dire quelque chose M. Ouedraougo. Le monde ne tourne pas autour de vous, de votre ami et de je ne sais quelles coïncidences secondaires. Vous qui êtes banquier, vous devriez le savoir. Il n'y a qu'une vérité derrière tout cela, celle de l'opportunité et du profit. Votre ami avait besoin d'argent, d'un local et de protection. Nous lui avons fourni. Tout cela est strictement professionnel et parfaitement légal. Le passé est le passé, M. Ouedraougo, je peux vous fournir tout ce que vous demandez pour vous garantir ma probité et celle de M. Bouchet. Dois je vous rappeler ce que son ancienne vie lui a coûté ? Ou à moi ? Vous savez certaines fois, l'isolement a du bon, il faut juste le voir comme une opportunité et non comme une punition. C'est exactement ce que nous avons fait. Accordez nous au moins cela. - Qui sont NoRisk Bank ? - Mes derniers soutiens - Qu'est ce que le transfert de savoir ? - Un échange de bons procédés . - Qui logez vous ? - Ceux qui me paient pour. - Et quand ils ne paient pas ? - Ils paient toujours. Au moment même Noé comprenait l'exacte signification de cette affirmation, il sentit ses jambes fondre sous lui comme son dos lui sembla avoir été découpé. Alors qu'il s'affaissait dans la pénombre du géant derrière lui, il entendit une dernière fois la voix de Herbelin lui rappeler sa vérité. - Tout cela n'a rien de personnel, M. Ouedraougo. Ce sont les affaires. Juste les affaires.
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L’ANTIDOTE
Le sang des damnés
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