Karim avait de plus en plus de mal à supporter la douleur qui vrillait son pied. Quand il avait entendu la porte s'ouvrir et vu Noé, il s'était dit que cette fois ci , ils allaient y rester. La teneur de la conversation qu'ils avaient suivi tous les trois juste après ne lui avait guère laissé de doute. Alors que la porte allait s'ouvrir à nouveau, ils étaient tous les trois recroquevillés sur eux mêmes, ne pensant à rien d'autre qu'à ne pas souffrir. Karim gardait la main de Sarah serrée dans la sienne, contemplant autant qu'il le pouvait son visage, comme si c'était la dernière chose qu'il souhaitait se souvenir avant de quitter ce monde. Et Sarah lui faisait face, tremblante et les yeux comme implorant que tout cela finisse vite. Sans réfléchir, il lui saisit la tête et l'embrassa. Elle avait le goût, de miel et de canelle, un mélange doux et fin comme ce qu'elle était et sans savoir pourquoi il lui dit que tout allait bien se passer. Elle eut le même regard dur qu'au Relais Charbonnier Elle était prête à agir. Quand la porte s'était ouverte à nouveau, leurs yeux habitués à la pénombre furent incapable de discerner quoi que ce soit. Karim sentit Noé tenter de ramper un peu plus loin dans le cagibi mais c'était impossible. Ils étaient maintenant presque montés les uns sur les autres. Quand leurs yeux redécouvrirent la lumière, ils distinguèrent clairement le corps inerte de Stéphane traîné par un homme portant un uniforme brun avec une tête de chat aux babines retroussées sur le cœur. Derrière lui, Karim reconnut Herbelin et Bouchet. Leurs visages étaient graves alors qu'ils se tenaient debout, placés de trois quart comme s'ils ne souhaitaient pas voir ce qui devait être fait. Dans leur prolongement, entre la porte d'entrée du bureau et les présentoirs, se tenait un homme grand à la peau noir. Son sourire narquois ne laissait aucun doute sur ce qu'il éprouvait à les voir tous quatre piégés. Bouchet pivota sur lui même et aboya un ordre en russe et l'homme qui n'était qu'à un mètre d'eux hocha la tête avant de refermer la porte derrière lui. L'obscurité les aveugla à nouveau et ils entendirent sans vraiment le voir le bruit d'un pistolet qu'on arme. Le silence était total. De l'autre côté de la porte on devait attendre. Le bruit. L'odeur. Et le sang. Les secondes semblaient s'étirer. Karim tenta alors de se lever et de désarmer le type. Bien que la douleur fut vive, il réussit à se mettre debout mais au moment il vit le visage de l'homme, il perdit son équilibre, sa tentative sapée par le visage qu'il vit. Celle de l'homme qu'il avait soigné. Qu'il avait protégé. Sans penser à l'ironie de la situation, il s'affala au moment il fit feu. Aucun cri ne résonna lorsqu’il tira trois autre coups. Et Karim le voyait maintenant nettement. Il portait l'index gauche à ses lèvres puis, une fois qu'il fut sûr que Noé, Stéphane, Sarah et Karim garderaient bien le silence, il baissa son arme et leur tendit un papier. Sarah le prit et le tendit à Karim. C'était une adresse, quelque part le long de l'avenue principale des Couronneries. L'homme murmura un mot russe au moment la lumière les aveuglait à nouveau.
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L’ANTIDOTE
Le sang des damnés
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