Stéphane avait rendez vous avec Alceste moins de trois quart d'heure après qu'il l'ait incendié au téléphone. Celui ci s'était montré surpris par la mauvaise humeur de Stéphane. Après tout à quoi t'attendais tu ? Semblait il lui dire entre deux rires. Certainement pas à ça avait il eut envie de lui dire. A un racket contre protection, au pire, à une honnêteté dans le contrat passé au mieux. Mais certainement pas à passer pour une victime. Il connaissait ce genre d'homme de paille, il avait eu à en user bien des fois pour vivre. Big O et lui avait plus d'une fois arnaqué le sourire innocent de camés idiots pour rester aussi invisible qu'ils le devaient. En roulant vers les portes du Futur, il repensait à la fois ils s'étaient servis de la maison des parents d'un pauvre abruti de Saint Benoit qui voulait tellement se faire passer pour un caïd qu'il avait suffi de lui mettre une savonnette dans les mains pour en planquer le triple sous le matelas de ses parents. Il avait été tellement fier de lui que lorsqu'il s'était fait arrêté il avait été complètement incapable de donner leurs noms et encore moins d'expliquer comment tout ce shit avait atterri sous le lit de ses parents. Eux avaient bien ri. Et récupéré le reste de leur came, planqué dans la cave de la maison au moment Big O et lui n'avait nulle part loger. Cela avait été le début de leur amitié. Et de leur affaire. Alors qu'il cherchait les bureaux qu'Alceste lui avait indiqué, il repensa à ce qu'était devenu le petit cousin de Big O. Il se souvenait de lui comme d'un petit chétif et timide, mal à l'aise et candide. Combien de fois l'avaient il chambré tous les deux sur sa gaucherie et sa révulsion face à toute forme de violence ou de conflit. Il disait toujours oui, même quand ils rentraient avec des gonzesses et qu'ils lui demandait d'attendre dehors. Il l'avait quitté gamin. Et il l'avait retrouvé homme. La vie avait se montrer à la fois cruel et profitable pour lui entre le moment il était descendu à Marseille et celui pas si récent il était revenu à Poitiers. Toujours est il qu'ils n'étaient plus les mêmes l'un et l'autre. Alceste avait brisé ses chaines et lui gardait de plus en plus le goût des siennes dans la bouche. Tout cela faisait qu'aujourd'hui, il ne devait pas croire à la connivence des souvenirs passés. Il s'assura ainsi que son cran d'arrêt était bien le long de son flanc droit en se garant après avoir fini par repéré les locaux où Alceste l'attendait. Il avait revenir sur ses pas pour cela. Ayant parcouru en long et en large les allées de la zone commerciale pour trouver les bureaux de WildCat Securité à quelques encablures du Mac Donald's qui ouvrait la première parcelle de commerce de la zone des Portes du Futur. Il se gara à l'écart derrière l'entrepôt du Conforama qui jouxtait le restaurant et brava le froid dans l'indifférence des clients qui attendait devant l'entrepôt qu'on leur délivre leur marchandise. La nuit était maintenant complètement tombée et le vent se montrait mordant à chaque fois qu'il relevait la tête pour reconnaître son chemin. Dès qu'il passa l'entrée principale du parking de Conforama, il put voir Alceste, assis dans un fauteuil cossu discuter au téléphone les pieds sur le bureau de la secrétaire de l'agence de sécurité. Il semblait être seul dans l'agence qui terminait à l'est un ilôt de trois offices composant un bâtiment tout de ver et de béton blanc. L'enseigne du Crédit Mutuel illuminait, rouge et bleue, la façade ouest, donnant directement sur le rond point, avec en dessous, collée sur la vitrine, une reproduction en taille réelle des douze joueurs du PB 86 maintenant plongé dans la pénombre. A côté, un office à la porte recouverte d'une film occultant et à la même vitrine transparente était uniquement éclairé par les veilleuses de sécurité. Il y vit le même agencement en miroir du bureau se tenait Alceste. Un bureau large flanquait le mur ouest, des affiches parlant de prêts immobiliers et de facilités locatives tapissait le mur du fond une porte située aux deux tiers est du mur donnait de toute évidence sur un autre bureau. Leurs sols étaient blanc comme l'arctique et brillaient des produits d'entretien du jour. Stéphane détourna le regard de l'agence immobilière figée pour pousser la porte de WildCat. Alceste se leva aussitôt en raccrochant son téléphone et vint à sa rencontre. - Stef ! T'as été rapide. - Pas autant que vous. Depuis quand vous me prenez pour le cave qu'on encule ? Alceste baissa ses bras et son sourire carnassier laissa la place à une expression proche du fauve contrarié lorsqu’il tourna les talons pour aller s’asseoir du bon côté du bureau. - Assieds toi - Je préfère rester où je suis. Stéphane était toujours à portée de la sortie, et ses mains croisés sur son ventre. De là, il pouvait saisir son cran d'arrêt en une fraction de seconde comme s'enfuir en un rien de temps. Face à lui, Alceste prit une profonde inspiration puis, d'un ton neutre et d'une voix rauque, creva l'abcès. - Tu sais, Honoré était ma seule famille ici. On est venu ensemble du Sénégal. On a traversé un désert et une mer pour pouvoir vivre dignement et quand on est arrivé ici, tout ce qu'on a trouvé c'était la misère, des regards méfiants et des paroles défiantes enrobés de promesses à la con et à peine de quoi survivre. C'était loin de nos rêves. Moi je voulais rentrer, tu sais. Je le voulais plus que tout, quitter ce pays personne ne nous voulait, la seule aide que l'on recevait ne faisait que nous maintenir dans la merde, il fait si froid que tu es toujours obligé d'être en pantalon, les nuits sont si longues que c'est à se pendre, les femmes te regardent avec envie avant de te traiter comme une merde. Mais Honoré y croyait, lui. Il voulait rester, il disait que c'était la patrie des droits de l'homme et qu'ils auraient tous les droits s'ils se comportaient en homme. Alors je suis resté, je l'ai suivi. Et j'ai bien cru qu'on allait réussir jusqu'au moment où tu as préféré continuer sans lui. Je n'ai pas continuer sans lui. Il a tout foutu en l'air. - Ah oui ? Parce que tu appelle ça tout foutre en l'air que de chercher un moyen honnête de vivre correctement. Dis moi, Stef, pourquoi on est ici, alors ? - Parce que vous cherchez à me baiser - Non, non, non. Parce que tu cherches un moyen honnête de vivre correctement et que je te l'ai offert. - Je devrais peut être te dire merci ? - Tu devrais au moins te montrer reconnaissant. Pour moi tu es un traître et si je le pouvais je te tuerai de mes propres mains. Mais vois tu, les affaires sont les affaires et nous avons besoin de toi. Comme le Père Noël a besoin de ses lutins. Alors soit tu marche, soit tu crèves, en ce qui me concerne, j'en ai rien à foutre. - J'ai une autre idée. Tiens ton bouclard toi même. Stéphane ne prit pas le temps d'entendre ce qu'Alceste avait encore à lui dire et sortit en un clin d'oeil dehors. L'air y était froid et sec. Il respira un grand coup et repartit vers d'où il était venu. La seule chose qu'il avait en tête était que de tout cela il en avait marre. Oui. Il en avait ras le bol, des types sournois et des vengeances à deux balles. De la culpabilité et des plans foireux. Du manque de cran et des faux amis. Tout ce qu'il voulait en cet instant précis c'était se casser loin de cette ville de merde. D'ailleurs demain il ne serait plus là. Peu importe il irait, il laisserait ces gus à leurs complots et tournerait la page. Radicalement. Piégé par sa rancune, il ne soupçonna rien quand il entendit son prénom. En se retournant il fut presque surpris.
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L’ANTIDOTE
Le sang des damnés
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