Karim avait été appelé en renfort une heure plus tôt. Le service des urgences était en train de devenir le théâtre d'affrontements entre bandes rivales et la situation échappait aux soignants au fur et à mesure que le nombre de protagonistes augmentait. Quand il arriva, une dizaine de types en jaugeait une dizaine d'autres pendant que ses collègues tentaient tant bien que mal de gérer la situation. L'infirmière de garde était en train d'appeler la police mais le temps qu'ils arrivent suffiraient amplement pour voir le sang couler. Tout cela avait été causé par une vente non autorisée d'un homme appartenant à un clan sur le territoire d'un autre clan. Il ne chercha pas à en savoir plus et comprit très vite qu'il allait surtout falloir les tenir éloignés les uns des autres et protéger les autres patients en attente de soins. Leurs regards inquiets étaient braqués sur eux. Puisqu’il était en renfort, il ne prêta pas attention à ses collègues qui parlementaient avec les factions rivales et se chargea de prendre ses instructions auprès de l'infirmière de garde afin de désengorger le service. Ainsi il fit une demi douzaine d'allers retours depuis les urgences vers les salles d'examens ou les services d'hospitalisation jusqu'à ce que, l'heure avançant, ne reste plus guère que les deux bandes. Elles attendaient de connaître l'état de santé de l'individu parti au bloc d'urgence pour suturer une plaie à l'abdomen. La salle d'attente des urgences se trouvait ainsi comme séparée en deux et maintenant qu'il ne restait plus qu'eux, un silence tendu régnait. Seulement troublé par les chuchotements de soignants essayant de maintenir ce statu quo, les types s'observaient et se défiaient du regard. Alors qu'il passait au milieu d'eux, une main agrippa le bras de Karim. Sa vigilance se transforma en stress lorsque celui qui le retenait s'adressa à lui. - Tu serai pas le pote de Stéphane Peyroux ? - Vous le connaissez ? - Ouais. Comment il va ? Karim n'avait pas revu Stéphane depuis plusieurs semaines. A sa sortie de l'hopital, ils s'étaient engueulés. Stéphane voulait que Karim l'aide à financer son magasin de chaussures et Karim avait refusé. Parce qu'il n'avait pas les moyens. Alors il lui avait demandé de se porter garant pour lui mais Noé lui avait déconseillé. Son projet n'était pas viable lui avait il dit. Il avait refusé. Et ils en étaient restés là. Chacun continuant de son côté. Il avait su que la banque de Noé lui avait refusé son prêt hier. Il se demandait s'ils se retrouveraient un jour ensemble. - Ca fait longtemps que je l'ai pas vu. Mais je crois qu'il va bien. Karim vit le regard du jeune homme se voiler comme il devait prendre conscience de la corde raide qui lui servait de fil de vie. Quand il reprit la parole sa voix était plus rauque. - Quand est ce que l'autre fils de pute va revenir ? - Je ne sais pas. Pas dans l’immédiat. Et de toute façon, vous ne le verrez pas. La police arrive. - Vous avez appelé les flics ? Vous êtes complètement con ou quoi ? - C'est un hôpital ici. Pas la rue. - Ça fait longtemps qu'on arpente plus les mêmes, K, sinon vous n'auriez pas fait ça. Il se détourna un instant de Karim pour parler à son comparse de gauche et quelques instants plus tard, tous se levaient et commençaient à sortir des urgences. L'atmosphère redevint presque respirable et Karim lut quelques sourires narquois et moqueurs sur les visages de l'autre bande. Au moment Karim allait prendre de nouvelles instructions pour un brancardage, le type dont il n'arrivait pas à se souvenir du nom le retint en s'en allant. - Les choses ne sont pas toute blanches ou toute noires, frère. Il y a plus de gris en chacun de nous que de blanc sur ton uniforme. Passe le bonjour à Stef. Et méfie toi de ses enculés.
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L’ANTIDOTE
Le sang des damnés
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