Le cousin de Big O regardait Stéphane avec une méfiance teinté de dégoût. Accoudé au bar du Bon Saint Eloi , il le regardait égrainer les raisons de leur présence en ces lieux sans donner l'impression à Stéphane qu'il fut réellement avec lui. Il s'arrêta donc et décida que parler était peine perdue. Un instant passa le bruit des joueurs monta d'un cran alors que l'arrivée de la course se jouait. Alceste Diakhité le regardait toujours fixement sans dire un mot. La colère semblait petit à petit le gagner sournoisement à tel point que Stéphane comprit que ce qui était mort ne pouvait renaître. Au moment de payer puis de partir, Alceste le retint par le bras. - On va t'aider. Me demande pas pourquoi, tu le sais déjà. On va t'aider mais il va falloir que j'en parle plus haut et que je vois avec eux ce que l'on attend en retour. - OK. T'as mon numéro. Cette fois ci, Alceste ne le retint pas et il apprécia l'air pur et frais en sortant du bar. Il regarda sa montre et constata que leur entrevue n'avait même pas pris le temps d'un café. Quand il avait quitté Noé la veille, il avait compris que son seul recours serait une fois de plus ceux qui l'avait nourri il y a quelque temps. Il avait eu peur qu'ils l'aient oublié mais le cousin de Big O avait répondu et il savait que la seule raison pour laquelle il avait accepté d'aller dans son sens n'avait rien de personnel. A vrai dire il savait exactement ce qu'ils allaient lui demander en contre partie. Au moment de se garer sur le parking face au Jardin des Plantes, il sut que cela serait périlleux à long terme d'avoir des créanciers tels que ceux là. Il allait devoir trouver un moyen de ne pas les laisser s'installer. Ou alors il redeviendrait ce qu'il s'était interdit de redevenir. Il s'échauffa en faisant quelques tours de terrains. Son épaule et ses côtes, avec ce temps humide, lui rappelait les coups que d'autres lui avaient portés. C'était de plus en plus dur à mesure que le temps passait de garder son corps en forme. Il n'était plus intact. En sortant son ballon, des gouttes commençaient déjà à perler sur son front. L'échauffement avait suffisamment oxygéné son corps et activé ses muscles pour que les vieilles blessures aient disparues. Restaient celles à venir, pensa t il. Il commença par une série de lancer francs, en réussissant un honnête 8 sur 10 puis commença à shooter, comptant chacune de ses réussites. Au fur et à mesure que son pouls s'accélérait et que la sueur ruisselait dans son dos, la rancœur et la colère gagnaient son esprit, attendant de se déverser sur les visages qu'ils voyaient sous le panier. Le conseiller de la Chambre de commerce qui lui avait gentiment expliqué que compte tenu de sa situation, de son passé et de son CV, il ferait mieux de chercher un chantier de réinsertion. Les mecs de chez Nike et Adidas qui lui avaient parlé comme si Poitiers se trouvaient au fin fond du bush australien. Le responsable des emplacements du centre commercial de Beaulieu qui n'avait pu s'empêcher de lui demander s'il comptait payer en euros ou en barre de shit. Noé, qui avait trouvé plus d'excuses qu'aucun autre pour ne pas avoir à lui tendre la main. Karim qui était si prêt à donner sa chemise au premier venu mais qui ne répondait plus à ses appels depuis qu'il lui avait demandé des antalgiques. Le médecin qui lui disait que la vie devait s'affronter sans contre partie. Et tous les autres, qui passaient devant lui en le regardant de haut ou simplement en l'ignorant. Tous ces connards qui préféraient changer de trottoir quand il tentait de leur dire qu'il voulait changer. Lorsqu'il arriva à 250 paniers inscrits, il était à bout de souffle et plus aucun nom méritait son courroux. Il était vidé. Il alla boire un peu d'eau au robinet à l'entrée du parc et revint s’asseoir sur son ballon, le souffle un peu plus régulier et le rythme cardiaque presque normal. La colère était passée. Seuls restaient les regrets. En fait, il comprenait récolter ce qu'il avait semé. Ne pas avoir écouté sa mère, ses profs. Ne pas avoir d'autres amis que des raclures. La liste n'avait pas de fin. Il inspira un grand coup comme la pluie commençait à tomber et ramassa son ballon pour retourner à sa voiture. Il devait dès à présent mettre tout cela par écrit. En arrivant sur le parking, un jeune homme vint vers lui. Il ne mit pas longtemps à comprendre ce qui l'amenait. Il en avait trop vu comme lui pour se tromper sur ses motivations. - Je suis pas intéressé - Tu sais pas ce que je veux. Le type était maintenant devant sa portière ouverte. Stéphane posa son sac sur le siège passager et revint se planter devant le dealer. Il ne bougea pas. Il ne cilla pas. Il ne décroisa pas les bras jusqu'à ce que le petit voyou comprenne qu'il perdait son temps. Il finit par lui sourire d'un air narquois en levant les bras avant de lui tourner le dos sans oublier de glisser un coup d'oeil par dessous son épaule comme pour se rappeler le visage de Stéphane. En le regardant s'éloigner, Stéphane ne put s'empêcher de penser qu'il y avait de nouveaux caïds en ville.
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L’ANTIDOTE
Le sang des damnés
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