Noé avait tellement chaud qu'il avait du mal à voir autour de lui. Des gouttes salées perlaient sur son front et descendaient le long de sa colonne vertébrale. La sensation de griller sur place était bel et bien réelle. Il la ressentait. Alors que Jean Fourcade attendait des réponses, il n'arrivait même pas à formuler une pensée cohérente. C'est donc muet qu'il affrontait le réquisitoire de ses supérieurs. Il était arrivé à Bordeaux quelques heures seulement plus tôt. Le temps de rejoindre le siège de la caisse du Crédit Populaire et déjà le stress avait poussé plusieurs jets d'adrénaline dans ses veines. Il était particulièrement fébrile au moment de s'asseoir face à ceux à qui il devait rendre compte. Il s'agissait d'un trio composé du directeur de la caisse, Jean Fourcade, du responsable grand compte de cette même caisse, Mathieu Doussens et, en guest star le directeur général national des projets d'entreprises, Karl Halenberg. Face à eux, il avait tenté pendant une demi heure de défendre son bilan et les actions que son équipe et lui avaient engagées. Si les financements avaient été pérennes pour 95 % d'entre eux, le bénéfices relevait plus du livret A que du CAC 40. Il en était conscient et défendait une stratégie raisonnable et raisonné qui permettrait de constituer une base de clientèle suffisamment importante pour faire de son service une gageure en matière de solidité et de fiabilité pour les futurs clients. Évidemment il passa sous silence la chute importante de ses financements sur les derniers mois, comme l'échec du resort au Futuroscope ou bien encore le manque d'envergure des projets financés depuis celui qui lui avait valu son poste. Vint alors les projections et les projets en cours. Ses interlocuteurs, jusque attentifs et plongés dans le rapport qu'il leur avait remis, levèrent la tête et focalisèrent pleinement leur attention sur ses propos. Ce fut Halenberg qui prit la parole en premier. Un homme d'une cinquantaine d'années, l'allure sportive , rasé de près et au regard bleu acier. - OK. Tout cela relève des agences locales, non ? Vous n'avez rien d'autre sur Poitiers qui mériterait que l'on s'y intéresse ? En posant cette question il s'adressait autant à Noé qu'à ses supérieurs. Sa voix forte et grave avait quelque chose de particulièrement supérieure et hautaine donnant presque l'impression qu'il s'agissait d'un énarque s'adressant aux ouvriers d'une usine dont il devait gérer les mauvais résultats. Ce qui était, d'une certaine façon, le cas. Doussens, la trentaine active et le regard ambitieux, s'engouffra promptement dans la brèche. - Le marché de l'immobililer bouge actuellement bas, je crois, n'est ce pas Noé ? - Des transactions sont en cours, et quelques demandes de financements sont arrivés jusqu'à moi, en effet, mais nous doutons de leur solidité et investigons encore. - Allons Ouedraougo, le projet Rénovatio est solide. La question est d'un autre ordre que sa solidité, n'est ce pas ? Auriez vous un soucis avec son porteur ? A moins que vous n'ayez décidé de changer de métier ? C'est là où la sentiment de se faire griller gagna Noé. Il grillait. Sa crédibilité. Son assurance. Sa solidité. Et de toute évidence sa place. Doussens le regardait avec tellement d'envie qu'il savait déjà ce qu'il avait en tête au moment Noé comprit l'exact signification de cette réunion. C'était une mise à mort. Et le coup de grâce lui fut porté par Fourcade. - Vos exploits extra professionnels sont une mauvaise publicité pour nous, Ouedraougo.
4
1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17
chapitres
>>
<<
L’ANTIDOTE
Le sang des damnés
Depuis 2017
ALC Prods