IlsemblaitàNoéqu'ilmarchaitsurunmatelasdecoton.Sespieds avaientétéprivésdesilonguesminutesdesangquetenirdeboutlui auraitétéimpossiblesansl'urgencequil'entourait.ApeineStéphane avaitilfranchileseuilducagibioùilssetrouvaientavecKarimet l'exdeVirandier,qu'ilsl'avaientaidéàenleverlechattertonqui l’oppressait.Ilavaitd'abordchutéetn'avaitqu'euàpeineletemps decrieràStéphanedenerientoucher.Lafemmeluiavaitalorstendu lepapierenluidisantdefairevite.Entreeuxdeux,Karimétait maintenantinconscient.Ilavaittendusonportableenéchangeen intimantàlajeunefemmedeprévenirlessecourspuisils'était levé,avaitretrouvéStéphaneavantdes'élancerversleseulàmême de les disculper.AlorsqueStéphaneprenaitlevolantdesavoiture,fonçantàcontre sensdurondpoint,ilsavaitqu'iln'avaitdorénavantpluslechoix. Lesévénements,sesdécouvertesetladiscussionqu'ilavaitentendu luiavaitpermisd'avoirunevued'ensembledesactesdeleurs ennemis. HerbelinlogeaientlesclandestinsdePoitiersaveclabénédictiondes autoritésoutoutdumoinsenprofitantdeleuraveuglement volontaire.Bouchetemployaitseshommespourassurerdesrevenus.Ils lespayaientetHerbelinencaissaitladîmeavecleloyer.EtAlceste, aveceux,gardaitletroupeauetfaisaittapinercellesquile pouvait.Assurantunbénéficenetsupplémentaire.C'étaitlàle commerceparfaitpourtouslestrois.Ildevinaitmêmelasuitedes opérations.LescontactsducousindeBigO,l'absencetotalde scrupuled'HerbelinetlaférocitédeBouchetn'auraientpastardéà fairedescommercesquel'unfinançait,l'autreprotégeaitetle troisièmeinfectait,uneentrepriseàmêmedefaired'euxlesroisde la ville.Celailenétaitsûr.Ilpouvaitliredanslesouvenirdeleurs entraillesmaintenantrépandusauxPortesduFuturcommedansunlivre ouvert.Toutcommeilétaitsûrqueleursangneseraitpasleseulversé.Le leurétaitleprochain.Ilsentaitquelaréactionimprévisibledu garderussen'avaitfaitquerepousserl'échéance.Quelquepartaux Couronneries, la fin les attendait. Serait ce la leur ?Cemauvaispressentimentletenaitéveilléeteffaçaitladouleur, alorsquesonregardrestaitfixésurleslumièredelavilleàsa gauche.Commeilremontaitla4voiesverslaZUP,ilpensaitàcethommequi venaitdelessauver.Ques'étaitilpassépourqu'illesépargneet retourne l'arme contre ceux qui devaient tenir sa famille ?Pourquoi ?Yavaitilunpointdenonretourpourcegenredesoldat ?Uninstant où la conscience et la justice reprenait le dessus ?OubientravaillaitilpourAlceste,sesacrifiantpourquelques milliersd'eurosetlapromessed'unpasseportpoursafemmeetses gosses ?Celaluiavaitcoûtélavie.Etépargnélesleurs.C'étaitlàuncoût irréconciliable avec toute logique.Stéphaneletiradesesréflexionsengarantlavoiture,toutfeux éteints,devantlespremiersblocsd'immeublesdel'Avenuede l'Europe.IlregardaNoé.Sonvisageétaitimpassible.Commesile sangnel'irriguaitplus.Sesyeuxétaitplusnoirsquelanuit.Etsa voix était pareil au son de la Mort lorsqu'il l'invita à le suivre.Lecielétaitd'encrecommelegoudronqu'ilsarpentaient,longeantla façaded'immeubleblanccasséhautdeguèreplusde5étages.Touten longueur,ilsesouvenaitdeleurformerectangulairecommedesboites dechaussuresgéantesquisemblaientposéessurlebitumedela collinedesCouronneries.Lefaiblehalodesrareslampadairesbordant lavoiedel'avenuedel'Europenelesrendaientguèrevisibles.Il suivaitStéphanesanstropréfléchir,sedemandanttoujourscomment ils allaient mourir et non comment ils allaient survivre.Auboutdequelquesinstantsdemarchesilencieuse,Stéphanelevala mainetdisparutdesavueenpénétrantdanslerenfoncementd'un hall. Le rejoignant rapidement, il aperçut la plaque de l'immeuble.N° 15.Laporteàdigicodeétaitouverte.Ilslafranchirentsansunbruitet tendirentl'oreille.Lesindicationsdurusses'achevaientlà. Maintenanttoutcequ'illeurrestaitétaitleurssens.Ilvit Stéphanesortiruncrand'arrêtdesonflancdroitettendre l’oreille.Iltenditl'oreilleluiaussi,seredressantcommesile bruit devait venir du plafond. L'immeubleétaitcommeendormi.Iln'yavaitaucunbruit.Stéphanese rapprochaitdechaqueportepoursaisircequ'ilsepassaitdel'autre côté.Ilcompritlastratégiequ'ilavaitadoptéetl'imitaense plaquant contre les portes de l'autre côté du couloir.Alorsqu'ilsétaientprochesdelafinducouloir,lesveilleuses s'éteignirentettoutfutànouveauobscur.Ilentenditquelques ronflements,uncoupleentraindefairel'amouretplusieurschaînes d’informationsencontinujusqu'àlaportedel'appartement6.Il appelaStéphanequirebroussaitcheminpourprendrel'escalieret l'invita à coller son oreille contre la porte de l'appartement.Onyentendaitdessanglotsetdesreniflements.Ainsiquequelques gémissements.Ilsemblaityavoirbeaucoupdemonde.Beaucoupde femmes.Puisdespaslourds,despasd'hommepressé,sefirent entendreettousdeuxreculèrentcommelespasserapprochaitdela porte. Unvoixs'éleva :« Vosgueulessalopes,lapremièrequibougeje l'empale »NoévitStéphanesortirlalamedesoncrand'arrêt.Luiaussiavait reconnulavoixd'Alceste.Ilsseregardèrentuninstantpuis reculèrentencoredetroispaspourmieuxdéfoncerlaporte.Elle s'ouvrit sous l'impact conjugué de leurs épaules. Prêtàbondir,Noéstoppanetsonélan.PasStéphanequicontinua l'épaule en avant. Il ne heurta pourtant personne. Asespieds,uneflaquedesangépaisetnoirrecouvraitàtoute vitesse le linoléum du couloir d'entrée.Audessus,unefemmeplantaitetreplantaituncouteaudeboucherdans un corps aussi mou qu'une limace.Quandellelesvittouslesdeux,ellearrêtasongeste.Sonregard étaitrougiepardeslarmesquineparvenaientplusàcouler.Aufond ducouloir,unedizainedetêtesregardaientlecarnageautravers d'yeuxsaturésd’héroïneoud'oxycontin.Uneodeurd'urined'excrément etdespermeinondalecouloirdel'immeubleàmesurequeNoéprenait conscience de l'étendue des dégâts.Stéphanejetasoncouteauetlevalesmainsensigned'apaisement.Au fondducouloir,lestêtesavaientdisparu.Seulsrestaientlafemme, lecorpsmutiléd'Alcesteetuncouteauensanglantédevanteux. Stéphane,lesbrastoujourslevéssebaissajusqu'àlafemmeen répétantquetoutallaitbien.Ellefinitparlâcherlecouteauetse mitàparlerenrusseàtoutevitesse.Detouteévidenceelleles prenaitpourlapolice.Ellesemblaitimplorerleurpardon,leur montrantunephoto.StéphanelapritpuislatenditàNoé.L'homme qu'ellereprésentaitsouriait.Ilavaitdescheveuxbouclés,d'unnoir dejaisrendantsonteintpâlepresquelumineux.Asescôtésdeux jeunesenfantsl'embrassaitsurchaquejoue.Untshirtfrappédu CCCPetdel'étoilerougequ'ilportaitréhaussaitlestraitsroseset juvénilesdesgosses.Acetinstant,celasemblaàNoécommelatrace d'unparadisperdu.Unmondeoublié.Sicen'estdusangquimaculait le cliché.Le sang des damnés.